France

Sainte-Soline : Après les révélations du « Monde », la gendarmerie et le SAMU tentent de sauver les meubles

A Sainte-Soline, samedi 25 mars, la violence et la peur se sont invitées à la manifestation contre les mégabassines. Sur ce terrain de plusieurs hectares dans les Deux-Sèvres, les images ne manquaient pas pour décrire le chaos lorsque les heurts ont éclaté entre policiers et manifestants – qui étaient plus de 30.000 d’après les organisateurs, et entre 6.000 et 8.000 selon les autorités. Des affrontements ont éclaté entre les deux camps et plusieurs blessés ont été déclarés.

Et c’est là tout le sujet de la polémique autour de Sainte-Soline : les blessés ont-ils réellement pu être pris en charge à temps ? Pour se défendre, la Gendarmerie nationale a lancé ce mercredi une « alerte fake news » aux lettres rouges sur son compte Twitter. « L’information selon laquelle les gendarmes auraient bloqué les secours à Sainte-Soline est fausse. Voilà ce qu’il s’est passé : Aide aux évacuations et projection d’une équipe médicale de la gendarmerie parmi les manifestants ».

Sauf que cette revendication va à l’encontre des précédentes révélations de plusieurs médias, notamment Le Monde et Mediapart. Des réponses en contradiction sur lesquelles 20 Minutes a voulu se pencher en retraçant l’itinéraire de la prétendue fake news.

  • Samedi 25 mars : Jour-J des manifestations violentes

Comme nous le précisions plus tôt, les manifestations à Sainte-Soline ont fait de nombreux blessés. Dimanche, selon un premier décompte du parquet de Niort, les secours ont pris en charge sept manifestants blessés, dont trois traités en urgence absolue et hospitalisés. Les organisateurs, eux, évoquent un bilan nettement plus lourd, avec 200 manifestants blessés, dont 40 grièvement. Deux manifestants sont dans le coma et l’un d’eux a son pronostic vital toujours engagé ce vendredi.

  • Lundi 27 mars : Darmanin assure sa défense

Lors d’une conférence de presse, lundi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin revenait sur les faits. « Non, les gendarmes n’ont pas lancé de LBD en quad. (…) Non, aucune arme de guerre n’a été utilisée à Sainte-Soline. (…) Non, les forces de l’ordre n’ont pas empêché les secours d’intervenir. Ce sont les gendarmes et les secours qui ont été empêchés d’intervenir par certains casseurs. » Or, une des affirmations se révèle déjà fausse, celle de l’utilisation des armes de guerre. Nos confrères de la rubrique de fact checking de Libération, Checknews, ont démontré l’inverse.

  • Mardi 28 mars : « Le Monde » révèle un enregistrement

Le lendemain, le quotidien Le Monde révélait à son tour une conversation de plus de sept minutes entre un médecin et un pompier, suivi du SAMU. Dans l’enregistrement – obtenu initialement par un observateur de La Ligue des droits de l’homme (LDH) présent à Sainte-Soline – les professionnels du SAMU indiquent ne pas pouvoir envoyer de secours sous une contre-indication obtenue « par les forces de l’ordre ». « On n’a pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place, parce que c’est considéré comme étant dangereux sur place », entend-on sur les enregistrements diffusés par la suite sur Mediapart.

Le même jour, la préfète des Deux-Sèvres répondait dans un communiqué que les secours avaient bien pu être assurés grâce aux médecins de la gendarmerie « qui a notamment porté secours à un participant blessé en urgence absolue ». « Il appartient aux forces de l’ordre, informées en temps réel de la situation de définir si l’arrivée d’un véhicule de secours à un certain point est possible ou non de façon pour lui. Il n’est donc pas surprenant que, si ces conditions de sécurité n’étaient pas réunies, les forces de l’ordre aient pu, pour certaines géologisations ou en certaines périodes de temps, indiquer qu’un envoi d’ambulance n’était pas possible dans l’immédiat ». La question des médecins militaires est intéressante car dans les enregistrements, le pompier explique à l’inverse qu’ils sont uniquement dédiés aux forces de l’ordre, et non aux manifestants.

Le même jour, le Samu du département des Deux-Sèvres se défend à son tour dans un tweet : « La justice fera son travail et nous nous mettrons à leur disposition pour leur donner l’ensemble des informations nécessaires comme nous le faisons dans chaque enquête. Sachez quand même qu’envoyer une ambulance en zone d’affrontements avec de l’oxygène n’est pas recommandé avec le risque d’explosion : O2 + gaz (combustible) + source de chaleur (engins explosifs) ne font pas bon ménage ! Au vu de la situation, nous avons pris le risque de l’envoyer sous protection pour prendre en charge les victimes. »

Dans plusieurs médias, comme France 3 et Le Parisien, le chef du pôle des urgences de Niort Farnam Faranpour a également pris la parole indiquant à plusieurs reprises : « Il n’y a pas eu de barrages de gendarmerie pour empêcher les secours ». « Notre régulateur est appelé et on lui parle d’une personne dans le coma. On nous explique qu’il est tout près des véhicules de gendarmerie en feu. Dans cette zone, à cet instant-là, on n’y va pas, point. Il n’est pas question d’interdit, mais je n’envoie pas mes médecins dans une zone où ils peuvent être blessés, voire pire », défend-il encore auprès du Parisien.

  • Et maintenant ?

Alors que jeudi,la Défenseure des droits Claire Hédon annonçait se saisir d’office des cas des deux manifestants grièvement blessés samedi, une enquête indépendante sera ouverte pour déterminer « les circonstances dans lesquelles ces blessures ont été occasionnées, et des conditions dans lesquelles les personnes blessées ont été secourues ».

Au-delà de cette question, la réaction de la gendarmerie nationale montre une nouvelle forme de communication très offensive. Alertant d’une « fake news », l’institution tombe dans un exercice surprenant, comme le remarque l’ancienne ministre de la Famille Dominique Bertinotti : « Je trouve votre procédé étonnant. Si la gendarmerie nationale éprouve la nécessité de donner sa version, c’est son plus grand droit. Pour cela il existe des communiqués de presse. Ensuite aux citoyens de se faire leur opinion, mais là nous assener de façon grossière la notion de fake News c’est too much ». Sollicitée par 20 Minutes à ce sujet, la Gendarmerie nationale ne souhaite pas réagir tant que l’enquête est en cours.