France

Pourquoi la start-up Terratis veut ouvrir une ferme pour stériliser des moustiques tigres

Voilà plusieurs années que des chercheurs du monde entier œuvrent à une étonnante méthode, pour tenter de calmer les ardeurs des moustiques tigres : relâcher des mâles stérilisés dans la nature. En effet, chez cette espèce particulièrement enquiquinante, seules les femelles piquent. En bombardant massivement, dans des régions où les moustiques tigres transforment les soirées d’été en calvaire, des mâles dont les spermatozoïdes ont été endommagés par des rayons X, on bloque leur reproduction : l’accouplement peut avoir lieu, mais les œufs n’éclosent jamais.

La technique de l’insecte stérile (TIS), le nom de cette méthode innovante, a fait ses preuves. Sur l’île de La Réunion, en 2022, des chercheurs de l’IRD ont montré qu’elle permettait de réduire à 60 % la fertilité des moustiques tigres à l’échelle d’un quartier. Si, jusqu’alors, en France, la TIS n’en était qu’au stade de l’expérimentation, cette recette antimoustique entre dans une nouvelle étape : la start-up montpelliéraine Terratis, spécialisée dans cette méthode, travaille à sa mise en œuvre à grande échelle.

Une première « ferme à moustiques » d’ici 2028

L’entreprise, fondée par Clelia Oliva et Allan Debelle, a été présélectionnée, sur une proposition de l’université de Montpellier, pour recevoir une dotation de la Bourse French Tech Lab (BFT Lab), qui lui permettra d’amorcer l’industrialisation de la TIS. Terratis envisage de créer une grande ferme de plusieurs milliers de mètres carrés, où seront élevés, puis stérilisés, les moustiques, avant d’être relâchés dans la nature.

Allan Debelle et Clelia Olivia, les fondateurs de Terratis.
Allan Debelle et Clelia Olivia, les fondateurs de Terratis. – Dame De Pics

« Cette ferme accueillera des élevages massifs, confie Clelia Olivia, qui a cofondé Terratis avec Allan Debelle. Ce sera un bâtiment sécurisé, qui empêchera les entrées et les sorties d’insectes. Il existe des fermes similaires en Chine ou à Singapour, mais ce sera la première, en France. » Les fondateurs de Terratis espèrent que la première « ferme à moustiques » ouvrira d’ici 2028. Peut-être à Montpellier, ou aux alentours. Mais d’ici là, dès l’année prochaine, il y aura déjà des lâchers pilotes, à plus petite échelle, pour entamer en douceur la mise en œuvre de cette méthode nouvelle.

« On ne vise pas l’éradication de l’espèce, mais la diminution de la population de moustiques tigres, sur les territoires où ils sont nuisibles, poursuit la cofondatrice de Terratis. En faisant de tels lâchers, de façon répétée, on diminue considérablement le nombre de moustiques tigres. Mais c’est une technique qui ne s’utilise pas seule. Il faut continuer à faire des efforts, pour ne pas « recharger » l’environnement en moustiques tigres. » En évitant, par exemple, de laisser pourrir des eaux stagnantes, dans les jardins et sur les balcons, dont l’espèce raffole. Mais la TIS, mise en œuvre par Terratis, ne contribuera pas, seulement, à apaiser nos apéritifs au clair de lune : cette méthode devrait permettre d’agir, aussi, sur les méchants insectes qui ravagent les exploitations agricoles.