France

Plan vélo : Les 2 milliards investis peuvent-ils réduire le déséquilibre homme-femme?

De gros sous pour la petite reine. D’ici à 2027, l’Etat compte investir 2 milliards d’euros pour booster la pratique du vélo. Avec, comme premier d’étape, l’année en cours. Dans le cadre du plan vélo et mobilités 2023-2027, l’exécutif promet de contribuer à la création d’infrastructures à hauteur de 200 millions d’euros en 2023.

Des annonces qui interviennent en plein essor du vélotaf, l’usage de la bicyclette pour les trajets domicile-travail. Sur le sujet, les investissements affluent, mais les inégalités persistent, entre hommes et femmes.

Environ 60 % d’hommes arpentent les villes à vélo, contre seulement 40 % de femmes. Pour Jean-Sébastien Catier, président de Paris en Selle, deux dimensions sont à prendre en compte. « Les gens, et donc les femmes, ne se mettent au vélo car ils ont un sentiment d’insécurité sur la route lié au manque d’aménagement. L’autre facteur est plus social. Les femmes sont encore aujourd’hui plus chargées de s’occuper des enfants et des courses que les hommes, ce qui peut exclure de la pratique du vélo », note-t-il.

« Plus il y a de pistes sécurisées, plus la pratique devient paritaire »

Une affirmation relevée par une étude de l’Insee sur le vélotaf : en moyenne, une mère consacre deux fois plus de temps qu’un père à l’accompagnement de l’enfant sur une journée. Aides à l’achat de vélo, modification du Code de la route, un objectif de 100.000 kilomètres de voies cyclables sécurisées en 2030 (contre 57.000 aujourd’hui), des sessions de formation à destination des enfants pour la conduite à vélo…

Pour Marie-Xavière Wauquiez, présidente fondatrice du réseau professionnel Femmes en mouvement, le plan gouvernemental et la promesse de « belles infrastructures cyclables séparées, pas juste de la peinture » est une bonne chose. Elle détaille : « On sait que la notion de prise de risque est beaucoup plus faible chez les femmes que chez les hommes, il suffit de regarder les chiffres de la Sécurité routière. Plus il y a de pistes cyclables sécurisées, plus la pratique devient paritaire ».

En prenant en compte ce facteur, l’Insee avait remarqué que plus une ville dispose d’aménagement cyclable, plus l’écart de pratique du vélotaf entre hommes et femmes se réduit. Même si les explications ne sont pas uniquement liées à ce facteur : « Les femmes résidant dans les quartiers les plus cyclables sont aussi plus souvent cadres », note l’institut statistique, et donc plus à même d’opter pour ce moyen de transport, selon l’étude.

Un sujet qui émerge, du chemin à accomplir

« L’électrification des vélos, c’est aussi un élément qui a encouragé les femmes vers la pratique. Il pouvait y avoir chez les femmes une crainte liée à l’apparence, au fait de transpirer, de ne pas être présentable. Ça vient s’estomper avec le vélo électrique », constate Marie-Xavière Wauquiez.

Le sujet du genre dans le vélo émerge ces dernières années, « à force d’asticoter les élus ». « Mais, à l’échelle des calendriers de planification des territoires, c’est encore anecdotique, il reste du chemin à faire », constate la spécialiste.

Pour preuve, la crispation autour du débat lancé l’été dernier par la métropole de Lyon sur des « pistes non genrées », alors que les aménagements urbains, dont les pistes cyclables sont « majoritairement conçues par des hommes, pour des hommes », rappelait dans l’Obs Matthieu Adam, géographe chargé de recherches au CNRS.

« L’aménagement cyclable idéal est utilisable par tous. Les hommes comme les femmes, mais aussi les jeunes, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap », résume Jean-Sébastien Catier. Pour que ce rêve se transforme (partout) en réalité, il va encore falloir changer de braquet.