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Paris : Porte de Montreuil, petite ceinture, hauteur des tours… La majorité fracturée autour du Plan local d’urbanisme

Le conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel l’a résumé en une phrase, jeudi dernier, en conférence de presse : « Le Plan local d’urbanisme, c’est ce qu’il y a de plus important pour une ville ». Et c’est la raison pour laquelle, sans doute, ce texte suscite autant de tensions au sein de la majorité parisienne, pas complètement en harmonie sur la vision de la ville des prochaines années. Communistes et écologistes s’opposent sur l’avenir des portes de Paris et du périphérique ou encore la petite ceinture. La mairie doit prochainement convoquer un conseil extraordinaire mais les tractations étant au point mort, le rendez-vous tarde.

Qui sortira gagnant du bras de fer ? Si les discussions n’aboutissent pas, toute la majorité y perdra, et en premier lieu les écologistes, puisque le texte qui continuera de primer sera celui qui existe actuellement, qui date de 2006 et est jugé « obsolète » par les écologistes, même s’il a connu plusieurs révisions entre-temps. Comme le résume Nicolas Bonnet-Ouladj, président du groupe communiste au Conseil de Paris : « Si les écolos ne votent pas le PLU tel qu’il est, ce sont eux qui prennent un risque énorme. »

Porte de Montreuil, le projet qui divise

L’un des points de crispation depuis des mois concerne la Porte de Montreuil, et plus généralement, l’avenir du périphérique. Les écologistes dénoncent un projet de construction qui augmentera, selon eux, l’effet d’îlot de chaleur ; les coupes d’arbres engendrées par ce projet, ou encore l’exposition à la pollution d’un nombre supplémentaire de personnes, puisque le projet prévoit de créer des bureaux. Les discussions semblaient selon les écologistes avoir abouti au statu quo, avant la volte-face : « On avait proposé de ne rien inscrire sur la Porte de Montreuil mais au final les tenants de cet urbanisme de béton sont revenus à la charge pour que cela puisse faire dire que nous acceptons le projet », se plaint Nathalie Maquoi, vice-présidente du groupe écologiste parisien.

« Le projet est retardé depuis un an, les habitants sont en colère et en ont vraiment marre », explique Jacques Baudrier, élu communiste et adjoint en charge de la construction publique, qui affirme avoir le soutien du Premier adjoint : « Sans la Porte de Montreuil, il n’y aura pas de PLU. » « On veut pouvoir construire quand ça sera dépollué », ajoute Nicolas Bonnet-Ouladj, ce à quoi la vice-présidente écologiste répond : « C’est aujourd’hui qu’on construit, c’est criminel. Il est hors de question de se dire en plus qu’on va rajouter des populations »

Classer, ou pas, la petite ceinture

Ecologistes et communistes s’écharpent aussi sur le seuil de surface au sol à partir duquel un projet immobilier doit comporter une partie en pleine terre, afin de lutter contre l’artificialisation des sols. Pour les communistes, ce seuil doit être déterminé à 250 m2, soit, selon Jacques Baudrier, « 80 % des parcelles à Paris ». Les écologistes voudraient eux que ce seuil soit abaissé à 150 m2 : « Le seuil proposé par les communistes change la catégorisation de 40 % des parcelles à Paris. Cela permet aux promoteurs immobiliers de continuer à bétonner », dénonce Nathalie Maquoi. « Garder 1 ou 2 mètres carrés de pleine terre, ça se s’appelle pas des espaces verts. Il ne faut pas imposer de créer de la pleine terre bidon mais de la pleine terre efficace », répond Jacques Baudrier.

Troisième sujet de tension : la petite ceinture ferroviaire, que les écologistes voudraient classer en zone urbaine verte. « Il y a 54 hectares de biodiversité. Cela doit être un lieu où l’on peut se promener. La SNCF se comporte aujourd’hui comme elle veut. On se retrouve avec des arbres coupés dès qu’elle souhaite remplacer un plot », critique Emile Meunier. Au contraire, les communistes voudraient garder « une possibilité de réversibilité » tout en ouvrant aux riverains, explique Nicolas Bonnet-Ouladj.

50 m de hauteur, trop pour les écolos

Enfin, la hauteur de certaines tours, sempiternel sujet de débat au sein de la majorité, fait tiquer les écologistes, qui voudraient limiter les immeubles dépassant 37 m de hauteur, et refusent les tours prévues à Bruneseau et Bercy-Charenton. Ils semblaient avoir trouvé un point d’équilibre avec les communistes, avant un nouveau rebondissement : « On était à un niveau de presque finition du texte et patatras, dégringolade : on s’est retrouvés avec des tours mises là où elles avaient été abandonnées », critique l’élu écologiste Emile Meunier. « On ne peut pas dire qu’on fait un PLU pour relever le climat et en même temps être sur des principes du XXe siècle : il y a un énorme coût écologique pour la construction et le fonctionnement de ces tours », complète Nathalie Maquoi.

Les communistes ne s’opposent pas quant à eux à ces projets, qui prévoient des équipements publics et des logements. « 50 m ça paraît raisonnable, on ne peut pas parler de grandes tours, et la loi l’autorise. Et en dessous de 50 m on ne peut pas avoir un équilibre financier : on n‘a pas assez d’habitants pour faire du service public », explique Nicolas Bonnet-Ouladj.

« Le “PLU du en même temps” »

« On a l’impression qu’on veut nous faire le PLU du en même temps : on affiche des objectifs climatiques mais on construit des tours, on dit qu’on veut protéger la biodiversité mais on ne protège pas la petite ceinture des coupes de la SNCF. Le compte n’y est pas. Nous ne voterons pas en l’état le PLU. Et nous déposerons des amendements sur chacun des points », s’insurge Emile Meunier.

De quel côté de la balance le PLU va-t-il pencher ? « C’est l’heure du choix, et le choix doit être le climat », fait valoir David Belliard, adjoint aux mobilités et chef de file écologiste. Pour le moment, le Premier adjoint en charge de l’urbanisme, Emmanuel Grégoire, semble plutôt pencher vers les communistes, pourtant numériquement moins nombreux au Conseil de Paris. Il a refusé pour l’instant de « commenter les désaccords » mais prévient : « Si on ne change pas, on garde le PLU actuel. »