France

Nantes : « Ce lieu ne pouvait pas disparaître… » L’emblématique bar La Perle racheté par ses clients

Le vieux comptoir en formica a été remplacé par un zinc, et de gros travaux de peinture et d’éclairage ont été réalisés. Mais que les habitués se rassurent : La Perle a gardé son âme, et tout ce qui fait son charme. Depuis quelques jours, les cafés, demis, et ballons de blanc coulent de nouveau à flot dans cet emblématique bistrot qui tranche avec les établissements plus modernes du centre-ville de Nantes. Les discussions animées, autour de la politique, de la musique ou tout simplement de la vie, ont repris dans l’étroite rue du Port-au-vin, à deux pas de la place du Commerce. Une renaissance rendue possible grâce à la motivation de ses clients les plus fidèles, rassemblés en collectif. Ils n’étaient pas prêts à ce que leur bar préféré ferme ses portes avec le départ à la retraite de Laurent Messager, alias Lolo, le charismatique patron qui a tenu les lieux pendant une trentaine d’années.

« Après son départ, il ne voulait pas que le lieu change et nous non plus !, raconte Pascale, journaliste indépendante et membre du collectif perlusien. Alors, c’était évident qu’il fallait tout faire pour reprendre le fonds de commerce. Pendant le Covid, il avait l’âge de partir et voulait lâcher l’affaire mais on l’a poussé à continuer jusqu’à ce qu’on puisse prendre la suite ». Accoudée à l’une des nouvelles tablettes en bois, Stéphanie ne regrette pas ce « boulot de fou ». « La Perle, c’est bien plus qu’un simple bistrot, c’est un lieu d’échanges, un lieu ouvert comme il en existe peu, qui ne pouvait pas disparaître, estime cette institutrice, également bénévole. Quand je suis arrivée à Nantes en 2015, on m’a accueillie ici à bras ouverts. Je n’en suis jamais repartie. »

A l'étage de La Perle, une salle est mise à disposition pour les associations
A l’étage de La Perle, une salle est mise à disposition pour les associations – J. Urbach / 20 Minutes

Réunir 90.000 euros

Pour sauver l’endroit, décrit comme l’un des plus vieux établissements nantais et sans doute aussi l’un des plus exigus, 90.000 euros ont été nécessaires. Une somme réunie en six mois, grâce à un prêt mais pour la majorité financée par quelque 250 donateurs motivés. Derrière le comptoir, une vingtaine de bénévoles vont se relayer pour permettre au bistrot de rester ouvert six jours sur sept de 11 heures à minuit (au moins), comme à la belle époque. Lolo, qui a participé à ce que l’aventure continue via un « prêt vendeur », en fera lui aussi partie.

Si cet étonnant projet collectif a pu voir le jour, c’est que La Perle en a vu passer du monde, sur sa petite terrasse ou debout à l’intérieur lors des nombreux concerts, mais aussi dans la salle à l’étage mise à disposition d’associations adhérentes qui organisent régulièrement des projections de films, débats, ateliers, parties de coinche ou cours de français pour les exilés. La solidarité est aussi sa raison d’être : « Les personnes qui font la manche savent qu’elles peuvent venir faire de la monnaie ou accéder gratuitement aux toilettes », expliquent les bénévoles.

« Moi, j’ai connu La Perle par les manifestations, les mouvements sociaux », raconte Cora, 30 ans, la nouvelle et unique salariée du bar. Car le café, où souffle un esprit militant, est aussi le point de chute de nombreux défilés. En témoigne ce pan de mur sur lequel des milliers d’autocollants associatifs, syndicaux, ou anti-aéroport ont été collés, et qui a évidemment été conservé, ou cette affiche portant le slogan, souvent lancé par l’ex patron : « A gauche ! ». Un temps festif est prévu ce week-end pour célébrer la nouvelle installation.