France

Maltraitance éducative : Une crèche associative bannit toute forme de violence envers les enfants

« La maltraitance dans les crèches, malheureusement, c’est réel », avoue Jérôme Dumortier, directeur d’une crèche associative à Villeneuve-d’Ascq, dans le Nord. Dans cette crèche gérée par les parents, il a instauré depuis près de dix ans une règle d’or de non-violence éducative. Un principe qui tranche avec le récent rapport, jugé alarmant, de l’Inspection générale des affaires sociales sur les conditions d’accueil des enfants dans les crèches.

Ce rapport a ému beaucoup de parents et plonge le secteur de la petite enfance dans le malaise. En amont de la journée internationale de la non-violence éducative, qui se tient dimanche, 20 Minutes est allé à la rencontre de cette crèche particulière.

« Ici, on fait confiance aux enfants »

En arrivant devant Les Souriceaux, la baie vitrée annonce la couleur. « N’oublions jamais que les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain », « Attention, ici enfants heureux » sont autant de slogans affichés sur les fenêtres. Autre surprise, on peut observer enfants et auxiliaires de puériculture depuis l’extérieur, preuve d’un lieu ouvert au monde.

« Ici, on fait confiance aux enfants. On les traite comme des personnes à part entière », annonce Jérôme Dumortier. Tout au long de l’année, 25 enfants sont accueillis, du matin au soir, par six éducatrices et auxiliaires, toutes diplômées malgré la possibilité, depuis août, de recruter du personnel non formé. « Cette décision est une catastrophe, dénonce le directeur. S’occuper d’enfants est un vrai métier qui s’apprend. »

Le portage des enfants, une activité permanente à la crèche Les Souriceaux de Villeneuve d'Ascq, dans le Nord.
Le portage des enfants, une activité permanente à la crèche Les Souriceaux de Villeneuve d’Ascq, dans le Nord. – JD

Dans une grande salle, une dizaine de bambins gambadent ou écoutent une histoire. L’un d’eux a un petit chagrin. Stéphanie, une auxiliaire, vient le réconforter : « Ça arrive de temps en temps. A cet âge-là, ils ont besoin de beaucoup de présence ».

« Chez nous, la proportion est d’un professionnel pour 4,16 enfants. C’est nécessaire car, souvent, les enfants ont besoin d‘être changés. Imaginez une crèche où il n’y a que deux professionnels pour seize enfants, ce qui arrive souvent dans les crèches privées. Si un des petits a besoin d’être changé, ça veut dire que le second employé doit rester seul avec quinze jeunes marcheurs. C’est impossible, ce ne sont pas des super-héros », dénonce le directeur.

Avec les enfants, il faut faire preuve de patience

Pour lui, le manque d’effectif est une des clés du problème. « Ce qui ne va pas, c’est de faire du lucratif sur des métiers en lien avec l’humain, explique-t-il. Qui dit lucratif, dit actionnaires. Les actionnaires veulent des pépettes. Pour faire des bénéfices, il faut par exemple réduire les quantités et la qualité de la nourriture ou encore le nombre et la qualification des employés, tout en restant dans les clous. »

Mais que se passe-t-il lorsqu’un enfant en mord un autre, situation assez classique dans la petite enfance ? « Au départ, on console l’enfant qui a été mordu, aux côtés de celui qui l’a mordu. On lui explique que son/sa camarade a mal, il/elle pleure. On lui montre la marque et on lui dit que c’est interdit. Généralement, l’enfant qui a mordu, soigne la blessure. Les enfants apprennent par répétition, donc ça peut recommencer », affirme le directeur. Avec les enfants, il faut faire preuve de patience.

Et le principe c’est de désamorcer toute forme de violence. « La violence, il y en a aussi à la maison, à l’école ou dans les loisirs. Je pense que si on mettait le paquet pour l’enfance, il y aurait beaucoup moins de problèmes, notamment, en augmentant les salaires, et en revoyant les formations et les taux d’encadrement. »

« D’un point de vue éducatif, on est à la ramasse totale »

En 2014, la crèche a dû faire face à une histoire de fessée donnée à un enfant par une professionnelle. « Nous avons décidé de la licencier sur-le-champ, se souvient Jérôme Dumortier. Cette affaire nous a permis de mettre beaucoup de choses en place, dont militer contre la violence éducative ordinaire. » Lui-même est membre du conseil d’administration de l’association « Stop violences éducatives ordinaires », qui mène des actions dans toute la France. C’est pourquoi, la crèche ouvre ses portes, dimanche, à l’occasion de la journée de la non-violence éducative.

« Quand on parle de violences chez les enfants, on pense toujours à la fessée alors qu’il y a les menaces, l’humiliation, le chantage, les cris sur un enfant… Des choses encore très instaurées à l’heure actuelle en France, précise Jérôme Dumortier. D’un point de vue éducatif, on est à la ramasse totale. »