France

Maintien de l’ordre : La Défenseure des droits s’inquiète « d’un climat qui fragilise l’équilibre démocratique »

Claire Hédon, la Défenseure des Droits, ne se fait pas d’illusion : si ce lundi matin, à l’heure de livrer le bilan annuel de l’institution qu’elle dirige depuis près de trois ans, la salle est pleine à craquer, c’est avant tout pour l’entendre parler de la déontologie des forces de l’ordre. Depuis le début de l’année, et plus précisément au cours du dernier mois, ses services ont été saisis à 115 reprises en marge des manifestations contre la réforme des retraites. « Les témoignages et les images qui nous parviennent laissent penser que les droits ont été bafoués », insiste la Défenseure, déplorant le fait que l’effet de répétition de ces affaires « contribue à rendre habituel ce qui est inacceptable ». Et par-là même, à « ébranler la confiance dans l’institution ».

Si elle refuse de se prononcer sur les dossiers en question – notamment parce qu’ils font l’objet d’une enquête approfondie, dans laquelle les parties en présence mais également la hiérarchie sont entendues – elle reconnaît des « images excessivement choquantes et des propos inadmissibles ». Des faits dont elle s’était déjà émue à plusieurs reprises dans les médias et qui avait poussé le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, à l’inviter à passer une après-midi en salle de commandement. « Elle verra que j’engage la force quand des individus tout grimés, tout en noir commencent à casser des commerces », avait insisté le chef de la police parisienne, estimant que les interventions étaient menées avec « beaucoup de proportion ».

La moitié des réclamations est contre la police

« On ne voit pas tout dans une salle de commandement », s’est contentée de répondre Claire Hédon, expliquant néanmoins que sa présence en salle de commandement, illustre les échanges réguliers qu’elle entretient avec les forces de l’ordre. En revanche, la Défenseure des droits a fermement rappelé la nécessité de préserver la liberté de manifester et d’association, référence à peine voilée à la polémique autour de la Ligue des Droits de l’Homme. « Je m’inquiète d’un climat qui fragilise l’équilibre démocratique ».

Plus généralement, l’essentiel des réclamations de l’année 2022 en matière de contrôle des forces de sécurité, concerne des faits de violence, des refus de plainte et des propos déplacés. Et les chiffres des mis en cause sont édifiants : dans près d’un cas sur deux, la police nationale est pointée du doigt, loin devant la gendarmerie (20 %) et l’administration pénitentiaire (12 %). Une différence qui s’explique, selon elle, par le niveau de recrutement, la formation et l’encadrement « supérieure chez les gendarmes ».

Reste que ses affaires représentent une toute petite part des saisines du Défenseure des droits : sur les 126.000 réclamations enregistrées en 2022, soit 26 % de plus en deux ans, 85 % concernent des problèmes d’accès au service public.