France

Macron veut une pause sur les réglementations, les écologistes s’étranglent

Une « pause réglementaire européenne » sur les normes environnementales… L’appel d’Emmanuel Macron, glissé ce jeudi dans son discours de présentation de sa stratégie pour accélérer la réindustrialisation de la France, a fait bondir les écologistes. A l’image de l’eurodéputé David Cormand. « Le champion de la Terre est de retour », ironise-t-il sur Twitter, en faisant référence à ce titre honorifique décerné par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à Emmanuel Macron en septembre 2018.

« Un contresens historique » ?

« Les Français demandent une pause sur la mise en œuvre de la réforme des retraites… Macron leur propose une pause sur l’écologie », s’insurge de son côté la cheffe d’EELV Marine Tondelier. De son côté, Marie Toussaint, députée européenne écologiste comme David Cormand, dénonce « un contresens historique, une trahison écologique ». « Quand l’eau que nous buvons, la nourriture que nous mangeons, ou les sols que nous foulons sont devenus toxiques ; que le climat se réchauffe, que la biodiversité se meurt, et que l’eau vient à manquer du fait de la course la croissance que pourchasse Emmanuel Macron, ce n’est absolument pas le moment de faire pause », estime-t-elle auprès de 20 Minutes.

L’Elysée invite à recontextualiser

De son côté, l’Elysée invite à recontextualiser les propos du président de la République, insistant sur le fait qu’il n’a demandé ni une suspension, ni un moratoire et encore moins une abrogation « des normes actuelles en cours de discussion ». En clair, Emmanuel Macron estime que l’Union européenne a, à ce jour, fait « plus que tout les voisins » et qu’elle avait désormais « besoin de stabilité ». « On est devant, en termes réglementaires, les Américains, les Chinois ou toute autre puissance au monde », a précisé le chef de l’État.

« Maintenant il faut qu’on exécute. Il ne faut pas qu’on fasse de nouveaux changements de règles, parce qu’on va perdre tous les acteurs », a-t-il encore plaidé. Sinon le « risque » est « d’être les mieux-disants en termes de réglementation et les moins-disants en termes de financement ».

« L’UE pas à la pointe sur tout »

Même une fois argumentée, la proposition d’Emmanuel Macron n’est pas plus recevable pour Marie Toussaint. « Il n’est pas vrai que l’UE soit à la pointe sur tous les enjeux de l’environnement, estime-t-elle déjà. L’eurodéputée prendre l’exemple des PFAS (per- et polyfluoroalkyles), ces polluants très résistants [au point d’être qualifiés d’éternels]. Les Etats-Unis ont bien avancé sur l’interdiction d’un certain nombre de ces substances toxiques émises par les industries, précise-t-elle. Sans doute pas assez. Mais on est derrière en Europe sur ce sujet. »

Surtout, « même dans les domaines où nous sommes en avance, il est illusoire de croire que nous le sommes pour longtemps », rajoute Marie Toussaint, renvoyant cette fois-ci sur la proposition de Roland Lescure sur franceinfo jeudi soir. Rebondissant à la proposition d’Emmanuel Macron, le ministre délégué chargé de l’Industrie souhaitait que cette pause environnementale dure cinq ans. « A coup sûr, on se retrouverait alors à la traîne de toutes les grandes puissances économiques mondiales et avec une industrie alors bien moins préparée à répondre à un monde qui doit se plier aux impératifs posés par le changement climatique et le dépassement des limites planétaires. Tourner le dos à l’écologique aujourd’hui, c’est s’assurer de perdre en compétitivité demain. »

Inquiétant dans la perspective du Green Deal ?

Marie Toussaint peine alors à comprendre le timing de la proposition d’Emmanuel Macron. « Est-ce une façon de tester l’opinion sur la question ? », se demande-t-elle. « Le plus inquiétant est que se joue en parallèle le Green Deal, une révision de 50 directives européennes et qui doit générer les nouvelles normes vertes de l’Europe en vue de viser la neutralité carbone en 2050, reprend-elle. Un certain nombre de ces textes n’ont pas encore été adoptés. »

C’est le cas, par exemple, du dossier REACH, un règlement européen qui encadre la fabrication et l’utilisation des substances chimiques au sein de l’UE et que plusieurs ONG invitent à réviser en urgence pour en gommer les failles actuelles. « Mais Thierry Breton [commissaire européen en charge de la politique industrielle] se bat contre, déplore Marie Toussaint. Cette pause souhaitée par le chef d’État est un signal de plus de la mauvaise volonté, dans les plus hautes sphères politiques, à réformer l’industrie sur tous ces produits toxiques et chimiques qui polluent nos environnements. »