FranceSport

JO 2024 : « La 5e place, ça veut dire 60 ou 70 médailles, c’est énorme », affirme Claude Onesta

Claude Onesta était de retour dans sa bonne ville de Toulouse, le 17 mars, mais pas pour convenance personnelle. L’ancien sélectionneur des Bleus du handball avait mis sa casquette de manager général de la haute performance à l’Agence nationale du sport (ANS), pour officialiser une collaboration avec Airbus. Cet accord doit permettre à des para-athlètes français de bénéficier de la technologie de l’avionneur pour gratter les secondes ou les mètres qui permettront d’améliorer le bilan français, à l’été 2024. Claude Onesta a évoqué plus largement les ambitions et les défis qui attendent les Bleus d’ici ces Jeux olympiques et paralympiques à la maison.

Quel bilan faites-vous de l’ANS, après quatre ans d’existence ?

On est dans l’urgence permanente, tout en faisant en sorte d’entraîner le maximum de gens avec nous. On voit bien que c’est difficile de transformer les choses contre l’avis des gens. Il a fallu les embarquer. On a beaucoup avancé dans l’accompagnement des athlètes, dans celui des coachs, et cela de manière très novatrice. Le soutien aux fédérations a beaucoup évolué. On cible mieux, on est plus efficaces parce qu’on évalue mieux. Petit à petit une dynamique et une forme d’enthousiasme sont en train de se créer, qui seront des éléments essentiels de l’amélioration de la performance française à Paris.

Dans une interview à Ouest France début février, vous disiez avoir « identifié 90 médaillables dont 30 titres » pour les Jeux olympiques…

Si on atteignait ce total sur les Jeux olympiques, on rentrerait presque dans les trois premiers du classement. On a dit qu’on visait la 5e place, qu’on voulait s’en rapprocher. Nous étions à 33 médailles à Tokyo (dont 10 en or, ce qui avait classé la France au 8e rang des nations avec le pire total depuis 2004). Si on va vers des objectifs à 60 ou 70, c’est quand même énorme pour les JO.

Claude Onesta au siège d'Airbus le 17 mars 2023 à Toulouse, derrière notamment le champion de para-badminton David Toupé et l'ingénieur Christophe Debard (à gauche).
Claude Onesta au siège d’Airbus le 17 mars 2023 à Toulouse, derrière notamment le champion de para-badminton David Toupé et l’ingénieur Christophe Debard (à gauche). – Nicolas Stival / 20 Minutes

Pourquoi viser cette 5e place ?

Parce qu’il faut toujours avoir des objectifs pour se repérer et s’évaluer. On a été 7e, on est aujourd’hui 8e. Cela veut dire que l’on a tendance, petit à petit, à décrocher, ce qui a justifié la création de l’ANS pour transformer le modèle. On est au rendez-vous de la mission qui nous est confiée, c’est-à-dire qu’on transforme pour que ce soit plus opérationnel et plus efficace.

La 5e place à Tokyo, elle est à plus de 60 médailles (71 breloques, dont 20 en or pour le comité olympique russe). Quand vous êtes à 33 médailles et que vous dites que trois ans après vous visez la 5e place, cela peut être perçu comme une prétention extrême, ou un rêve fou, une illusion. On construit tous les jours ce qui nous permettra de ne plus en faire un rêve, mais une réalité.

Et pour les Jeux paralympiques ?

La France est aujourd’hui 14e au classement des nations (54 médailles à Tokyo, dont 11 en or). L’idée, c’est aussi de se rapprocher de cette fameuse 5e place. Au début, on disait 8e. Quand on voit les résultats qui s’améliorent de compétition en compétition, on finit par se dire que la 5e position pourrait ne pas être trop loin. Mais le but, c’est non seulement de monter dans le classement des nations à Paris, mais surtout de s’installer dans la durée, de construire le chemin qui rendra performant pour les olympiades et paralympiades suivantes.

Mettez-vous la pression sur les athlètes pour décrocher les médailles manquantes ?

Un athlète qui n’a pas de pression, ce n’est pas un athlète. On vit avec la pression quand on est dans le sport de haut niveau. Ce n’est pas un gros mot. C’est aussi ce qui vous permet de générer du carburant pour aller plus loin, pour chercher à faire mieux. Ceci dit, il n’y a pas besoin de mettre de pression à des athlètes français qui voient arriver les Jeux chez eux. La pression est là naturellement, elle va continuer à monter, avec le sentiment d’un pays qui vous soutient. Ça a un effet galvanisant qui va être un tremplin pour les athlètes.

Comment se portent les athlètes ?

Mieux que jamais, franchement. Tous ces dispositifs que l’on a mis en place autour d’eux… Ça vaut pour les athlètes mais aussi pour les entraîneurs qui disent : « on ne nous a jamais autant écoutés, ni accompagnés comme vous le faites ». C’est plus facile pour moi parce que c’était mon métier, je comprends mieux ce que certains peuvent ressentir. Un coach qui y croit encore plus fort, il entraîne un athlète à y croire encore plus fort.

On voit bien dans les compétitions intermédiaires que le positionnement des Français a changé, qu’ils sont plus conquérants. Regardez l’équipe de France de rugby, elle fait partie de ces gens qui tout un coup ont gravi des échelons et ont le sentiment que rien ne peut leur arriver, qu’il n’y a pas de solution impossible. On est là-dedans, et on pèse tous les jours là-dessus pour que ça devienne une spirale de réussite.

Est-ce qu’il y a des Fédérations qui vous posent souci ?

Non. Enfin, il y a des fédérations pour lesquelles on aurait aimé que les avancées soient plus importantes. Mais on est aussi très conscients que le sport français, comme le sport en général, est un monde qui se transforme difficilement car il y a beaucoup de culture de l’Histoire, des habitudes…

On a su très vite que les athlètes que l’on aurait à Paris seraient à 90 % des athlètes que l’on avait déjà à Tokyo. Pour avoir de meilleurs résultats pratiquement avec les mêmes athlètes, il faut travailler beaucoup plus sur l’environnement, la confiance… Effectivement, j’ai le sentiment que nos athlètes sont de mieux en mieux parce qu’ils se sentent de mieux en mieux accompagnés. Et, je le répète, la pression qui s’exerce à l’approche des Jeux de Paris est plutôt vécue comme une pression positive.

Certaines fédérations sont toutefois plus pourvoyeuses de médailles que d’autres…

Il y a surtout des fédérations plus exposées que d’autres. Pour le handball, que je connais bien, vous pouvez être exceptionnellement bons comme à Tokyo, et aller chercher deux médailles d’or sur les deux médailles possibles. Sauf que quand vous regardez l’athlétisme et la natation, chacune de ces disciplines a 150 médailles à distribuer. Forcément, certaines « fédés » vont plus influer que d’autres sur le résultat final.