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« Faux-semblants », le brillant remake de Cronenberg qui dynamite le « male gaze »

Souvenez-vous, dans le film Faux-semblants de David Cronenberg sorti en 1988, Jeremy Irons jouait le double rôle des jumeaux gynécologues Beverly et Elliot Mantle, qui partageaient le même appartement, la même clinique et les mêmes femmes.

Dans le remake disponible ce vendredi sur Amazon Prime Video, minisérie en six épisodes créée par Alice Birch (The Wonder, Normal People, la saison 2 de Succession), ces rôles reviennent à l’actrice oscarisée Rachel Weisz. Alors, pourquoi faire un remake de ce film culte, lui-même adapté du roman Twins de Bari Wood et Jack Geasland ?

« J’ai adoré le film. Je suis une grande fan de David Cronenberg. Je l’ai vu plusieurs fois depuis sa sortie. Un jour, alors que je réfléchissais à des histoires à raconter dans lesquelles je pourrais jouer, j’y ai repensé. Je me suis dit qu’en transformant ces rôles en personnages féminins, ces sœurs en relation offraient un terrain idéal pour un drame », raconte Rachel Weisz, également productrice déléguée, que 20 Minutes a rencontrée à CanneSeries, où la série a chamboulé quelques spectateurs. « Je n’avais pas vu le film. Je l’ai regardé plusieurs fois. C’était un challenge effrayant, mais dans le bon sens », poursuit Alice Birch.

Un retournement de genre qui fait sens

L’intérêt du remake est manifeste dès la première séquence de la minisérie où Alice Birch dynamite le male gaze lors d’un dialogue explosif entre Beverly et Elliot et le client d’un restaurant un brin pervers. « J’adore mettre ma langue dans la bouche et le sexe de ma sœur rien que pour le plaisir des hommes, pour votre plaisir », lui lance Beverly, dynamitant le cliché du fantasme masculin incestueux du plan à trois avec les jumelles. « Nous étions conscientes du fait qu’à partir du moment où il y avait une inversion des sexes, la question de savoir si elles allaient être ensemble se poserait. Leur réponse est très drôle », s’amuse Alice Birch.

Dans un autre remake, le retournement de genre aurait pu être gadget. Dans les mains d’Alice Birch et de Rachel Weisz, Faux-semblants, dont l’histoire originale a été remodelée, devient une fiction féministe. Dans la version de David Cronenberg, référence du genre body horror, le corps de la femme – et notamment l’utérus « trifurqué » d’une patiente – était une monstruosité censée effrayer les spectateurs.

Dans la version d’Alice Birch, les vergetures, les douleurs de l’accouchement, le sang des menstruations et des fausses couches, les difficultés psychologiques du post-partum et les violences gynécologiques que subissent les femmes sont présentés de façon réaliste. « La grossesse n’est pas une maladie », martèle Beverly. Alice Birch explore aussi les questions éthiques posées par la PMA et la GPA et la marchandisation de la santé. « La fertilité, la grossesse et les questions post-thérapeutiques, il y avait tellement d’autres histoires à raconter encore », commente Alice Birch.

L’incroyable performance de Rachel Weisz

Le remake ne dénigre et ne dénature pourtant pas l’œuvre originale et la relation entre Elliot et de Beverly Mantle est toujours aussi tordue et malsaine. « Nous sommes fidèles à cette relation, où il y a trop d’amour, mais aussi trop de douleur », analyse Alice Birch. « Elles ont le même visage, mais sont très différentes à l’intérieur. Alice m’a invité dans la salle d’écriture, et nous avons beaucoup parlé d’elles, imaginant leur enfance et tout ce qui s’était passé entre elles avant le début de la série », poursuit Rachel Weisz, qui livre ici une performance incroyable dans ce double rôle.

« C’était un vrai challenge techniquement. On commençait souvent par tourner Elliott, parce qu’elle est plus speed. On faisait cinq ou six prises. Alice et la réalisatrice choisissaient la prise avec laquelle il fallait faire correspondre celle de Berverly. Toute l’équipe, la caméra, l’éclairage, les costumes, le maquillage, les autres acteurs était impliqué… C’est le résultat d’un travail de groupe. On s’est amélioré petit à petit, mais au début, c’était un tel défi ! Mais être vraiment mise au défi au travail est une chose très stimulante », détaille Rachel Weisz, qui passe du cynisme à la retenue, de la folie à la défiance avec une parfaite maîtrise. L’actrice embarque le spectateur et le tient en haleine dans ce brillant remake, qui pourrait bien-être l’une des séries les plus percutantes de l’année.