France

« Des cheveux et des poils » : L’histoire de la coiffure passée au peigne fin au Musée des Arts décoratifs

Quel est le point commun entre L’Origine du monde de Courbet, un exemplaire de la bande dessinée humoristique Les Blondes et le clip de Rise Like A Phoenix de Conchita Wurst ? Réponse : l’exposition Des cheveux et des poils qu’accueille le Musée des arts décoratifs de Paris dès ce mercredi et jusqu’au 17 septembre. « On peut se permettre de confronter une BD à une toile du XIXe siècle, glisse à 20 Minutes Denis Bruna, le conservateur en chef du département mode et textile. Je considère que tout est document d’histoire : il faut savoir l’interroger, ce qu’il veut dire, se demander ce qu’il permet d’apprendre sur tel ou tel sujet. »

Avec 677 œuvres réparties sur 1200 m2, la visite montre que le cheveu et le poil humain « sont des sujets d’histoire », insiste Denis Bruna. Le parcours raconte la coiffure et la pilosité, en occident, du XVe siècle à aujourd’hui. Saviez-vous, par exemple, qu’entre 1795 et 1810, une poignée de femmes ont osé une coupe courte dite « à la Titus » ? « Son origine serait à chercher dans les « bals des victimes », (…) réservés à ceux qui auraient fait valoir un parent raccourci par la guillotine, indique un cartel contextualisant deux portraits. Certains exigent qu’on se soit auparavant « fait couper les cheveux à ras sur la nuque, de la même manière que le bourreau les coupait aux victimes du tribunal révolutionnaire « . »

« L’exposition parle de la mise en scène de soi »

Des coiffures sophistiquées – « à l’hurluberlu », « à la Fontange »… – du XVIIe siècle aux perruques des drag-queens de Drag Race UK, de la barbe tantôt symbole de virilité, tantôt proscrite à la cour, tantôt signe distinctif de l’Autrichienne gagnante de l’Eurovision 2014, c’est l’évolution des modes, des perceptions, des mœurs et des sociétés qui est donnée à voir. « L’exposition interroge les liens entre la construction des apparences et le corps, reprend le conservateur en chef. Elle parle de la mise en scène de soi. On ne s’habille pas, on ne se rase pas, on ne se coiffe pas, on ne se laisse pas pousser la barbe rien que pour soi, mais pour les autres. »

Des cheveux des poils aborde aussi la question des métiers, des savoir faire et de la manière dont les progrès techniques ont contribué à leur évolution. A la fin du parcours, certaines créations telles que la veste-perruque de Martin Margiela en hommage à Sonia Rykiel ou la perruque Black Lips conçue par Charlie Le Mindu pour Lady Gaga et sa tournée Monster Ball de 2009 soulignent à quel point les créateurs contemporains se sont approprié le cheveu pour en faire des objets de mode.

Mais c’est par un retour à la réalité et à l’actualité que l’exposition s’achève. Sur l’ultime pan de mur, elle rappelle que, depuis cet automne, les femmes iraniennes qui manifestent contre le régime islamiste au pouvoir recourent au symbole de la mèche de cheveu coupée. « Généralement dans la tradition iranienne, les femmes se coupent les cheveux en signe de deuil collectif, indique Denis Bruna. C’est maintenant aussi un signe de contestation. Il était important pour nous de parler de l’histoire en marche. On commence l’exposition avec le voile imposé aux femmes durant toute l’époque médiévale et on finit par ce texte. Ce qui se passe en Iran montre précisément que les enjeux autour des cheveux dépassent le phénomène de mode. »