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« Ce n’est pas un gros mot »… Ce guide veut lever les tabous des règles dans les collèges

Il a été distribué à tous les élèves de l’établissement. De la 6e à la 3e, toutes les filles et garçons du collège Duguay-Trouin de Saint-Malo ont reçu le petit document d’une vingtaine de pages. Derrière sa couverture verte joliment illustrée, ce guide édité par le conseil départemental d’Ille-et-Vilaine ne cache pas ses intentions. « Les règles, et si on en parlait ? » est un véritable outil pédagogique visant à informer les filles mais aussi les garçons sur le sujet des règles. L’objectif : Lever les tabous et casser les préjugés autour des menstruations. « Les règles, ce n’est pas honteux, ce n’est pas sale », peut-on lire dans l’ouvrage coloré. Un simple rappel ? Plutôt un travail de fond pour permettre aux adolescents de mieux comprendre la question. Et d’éviter de glousser à la moindre évocation du rituel mensuel subi par toutes les filles.

L’idée de ce guide avait germé il y a plusieurs années quand les premières installations de distributeurs de protection hygiénique avaient démarré dans les collèges bretilliens. « La demande de distributeurs avait été faite par des élèves de plusieurs établissements mais on ne voulait pas se contenter d’un simple appareil. On voulait lever le tabou, pour que le sujet devienne normal, que tout le monde puisse en parler », explique Pauline Salaün, chargée de mission égalité hommes-femmes. Pour concevoir le livret, les équipes du département ont été à la rencontre de plusieurs classes afin de mesurer le niveau d’information des adolescents et d’adapter le contenu. Et force est de constater que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. « Il y a des filles qui ont déjà toutes les réponses, parce qu’elles en ont parlé à leurs parents ou avec leurs copines. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde », assure Anne Mainguet-Grall, conseillère départementale déléguée aux droits des femmes. « J’ai regardé le guide chez moi, j’ai trouvé qu’il était bien fait. J’ai appris l’existence des cups pour les femmes, je ne connaissais pas », explique Allena, élève de 4e à Duguay-Trouin.

Il y a les garçons aussi, qui pêchent souvent par immaturité pour faire face au sujet. « On a parfois des petites blagues. Mais la réalité, c’est qu’on ne parle pas sérieusement de sexualité. Moi, je n’ai pas envie d’en parler avec mes potes, c’est ma vie privée », assume Noé. Âgé de 12 ans, l’élève de 4e a la chance de pouvoir « poser toutes les questions » à ses parents qu’il décrit comme « très ouverts ». Mais on sent toujours une petite gêne à l’évocation de la question des menstruations. Les adolescentes sont bien conscientes du problème mais peinent encore à libérer leur parole à ce sujet, même entre copine. « En 6e, quand on devait aller à la piscine, je disais que j’avais oublié mon sac. Je n’avais pas envie de m’expliquer », se souvient Ninog, aujourd’hui scolarisée en 4e. Elle n’était pas la seule. D’après une étude, la moitié des ados ont déjà raté l’école à cause de leurs règles. Et une fille sur trois aurait déjà subi des moqueries.

Au collège Dugay-Trouin de Saint-Malo, un distributeur de protections hygiéniques a été installé dans un couloir.
Au collège Dugay-Trouin de Saint-Malo, un distributeur de protections hygiéniques a été installé dans un couloir. – C. Allain/20 Minutes

Les parents et « les problèmes de filles »

Au collège, la question de la piscine est bien souvent abordée avec maladresse par les parents, qui tentent « d’excuser » l’absence de leur enfant de la séance pour « des problèmes de filles ». « Mais qu’on parle de règles enfin, ce n’est pas un gros mot », lance Sylvie Piéjus. Proviseure adjointe de l’établissement malouin, elle a été l’une des premières à réclamer l’installation de distributeurs de protection périodique dans son collège. A la fin de l’année, 68 collèges d’Ille-et-Vilaine devraient en être dotés.

Cette petite boîte blanche a déjà sauvé la journée de nombreuses adolescentes, surprises de voir leurs menstruations débarquer sans prévenir, parfois pour la première fois. Une première qui peut parfois virer au cauchemar en cas de moqueries, laissant potentiellement une cicatrice psychologique indélébile. « On doit lutter contre ce tabou des règles. J’ai l’impression qu’il y a du mieux, que les élèves en parlent chez eux. Mais la parole n’est pas aussi libre dans toutes les familles. Le collège est là pour en parler. Les filles ne doivent pas être gênées », poursuit la proviseure adjointe.

Installé dans un couloir situé près de la vie scolaire, le distributeur est devenu « banal » dans l’établissement. Mais à entendre les élèves, certaines hésitent encore à s’y rendre. « C’est un peu gênant de faire ça devant tout le monde, ça reste intime », explique Ninog. Les filles utilisent davantage celui situé dans les toilettes de l’étage, mais qui devait disparaître. Décidée il y a deux ans, la question de l’implantation du distributeur devrait de nouveau être discutée. Force est de constater que le chemin est encore long.