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Attaque à Djerba : Attentat ou acte isolé ? L’enquête se poursuit en Tunisie

Les raisons de la fusillade meurtrière en Tunisie sont toujours floues. Cinq personnes, dont un Français, ont été tuées mardi soir aux abords d’une synagogue sur l’île de Djerba. Emmanuel Macron s’est dit « bouleversé » par cette attaque. Les autorités tunisiennes tentent de lever le voile sur les circonstances de l’attaque et déterminer notamment s’il s’agit d’un acte isolé ou d’un attentat terroriste. Le point sur les derniers événements.

Que s’est-il passé ?

Alors que le pèlerinage juif annuel battait son plein mardi soir, deux fidèles et trois gendarmes, selon un dernier bilan, ont été tués par un agent de la garde maritime tunisienne qui a ouvert le feu devant la synagogue de la Ghriba. L’attaque a eu lieu en deux temps, a indiqué le ministère dans un communiqué. Le gendarme auteur des tirs a d’abord tué l’un de ses collègues par balle sur le port de Djerba et s’est emparé de ses munitions. Puis il s’est rendu aux abords de la synagogue, distante d’une quinzaine de kilomètres, où il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre assurant la sécurité du lieu avant d’être abattu.

Dans une interview à la radio Mosaïque FM, l’ancien ministre tunisien du Tourisme a indiqué que « sans l’intervention rapide des forces de sécurité, un carnage aurait eu lieu car des centaines de visiteurs se trouvaient sur les lieux ». « Vers 20 heures nous avons entendu des bruits de tirs de pistolet. La police a fermé toutes les portes et on ne pouvait pas sortir. On ne pouvait rien faire pendant plus de trois heures », a raconté à l’AFP l’un des fidèles qui se trouvaient dans la synagogue, Elyahu, un vieil homme venu d’Israël. « Certains priaient, d’autres pleuraient », a-t-il ajouté.

Egalement présente dans le lieu de culte, Raoudha Seibi, de l’Association tunisienne de Soutien des Minorités affirme avoir vécu « un vrai cauchemar ». « Je voyais les gens courir dans tous les sens. Je n’ai jamais cru que je vivrai une telle terreur, je suis sous le choc jusqu’à maintenant », dit-elle à l’AFP en larmes. « Les tirs étaient si proches ».

Qui sont les victimes ?

Les deux fidèles étaient « un Tunisien âgé de 30 ans et un Français de 42 ans », a indiqué le ministère tunisien des Affaires étrangères, sans en fournir les identités. Selon René Trabelsi, une figure de la communauté juive tunisienne présent dans la synagogue au moment de l’attaque, les fidèles tués sont deux cousins : Aviel Haddad, un juif tunisien, et Benjamin Haddad qui résidait en France. Dénonçant une « attaque violente », le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, a affirmé qu’Aviel Haddad détenait également la nationalité israélienne.

Quatre autres personnes ont été blessées et évacuées vers un hôpital, selon les autorités. Six gendarmes ont également été blessés. Deux d’entre eux ont succombé à leurs blessures, selon un nouveau bilan obtenu mercredi de source hospitalière. Cinq morts sont donc à déplorer.

Où en est l’enquête ?

Un dispositif de sécurité a été déployé dans le périmètre de la synagogue, fermant toutes les routes y donnant accès, ont constaté mercredi dans la matinée des correspondants de l’AFP sur place. « Une enquête criminelle préliminaire a été ouverte », a déclaré à l’AFP Fethi Bakkouche, porte-parole du tribunal de Médenine (sud-est), dont dépend l’île de Djerba. « L’enquête est en cours pour déterminer les responsabilités engagées dans cette attaque lâche », a indiqué le ministère tunisien des Affaires étrangères dans un communiqué.

Les autorités n’ont pas encore déterminé si l’attaque est le résultat d’un acte isolé ou d’un attentat terroriste. Plusieurs pays l’ont qualifié d’attaque antisémite, comme Emmanuel Macron. Rome a dénoncé « un lâche attentat contre la communauté juive tunisienne. »

La synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique, avait déjà été visée en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts.

La Tunisie est-elle une cible privilégiée ?

Organisé au 33e jour de la Pâque juive, le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive, qui ne sont plus que 1.500, majoritairement installés à Djerba, contre 100.000 avant l’indépendance en 1956. Des pèlerins viennent aussi traditionnellement de pays européens, des Etats-Unis ou encore d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat de 2002.

L’attaque survient au moment où le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie après un net ralentissement pendant la pandémie. Ce secteur clef pour l’économie avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de la station balnéaire de Sousse, dont le bilan s’était élevé à 60 morts dont 59 touristes étrangers. « Comme tous les autres pays, la Tunisie n’est pas épargnée de ce genre de tentatives de déstabilisation », a déclaré mercredi le ministre du Tourisme Mohamed Moez Belhassine depuis Djerba, haut lieu du tourisme en Tunisie. « Nous sommes mobilisés pour faire réussir la saison touristique. »