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« A l’un de mes cours, la moitié de la classe était absente »… Au 3e trimestre, les lycéens de terminale s’évaporent

Il ne leur reste plus que l’épreuve de philosophie du bac et le grand oral. Sachant qu’une grande partie de l’évaluation des élèves de terminale pour le bac repose sur le contrôle continu, et que leurs épreuves de spécialité, comptant pour 32 % de la note finale, ont eu lieu pour la première fois en mars, la pression est retombée. D’autant plus qu’ils ont déjà rempli leur dossier pour Parcoursup et que les dernières notes qu’ils obtiendront ne seront pas scrutées pour leur admission dans l’Enseignement supérieur. Ce qui fait craindre aux proviseurs, comme aux enseignants, un manque d’assiduité.

La tendance s’observe déjà dans certains lycées. « L’absentéisme a progressé de 10 à 15 % par rapport à l’an dernier à la même époque. Et après les vacances de printemps, je crains que cela n’empire », nous dit Florent Martin, proviseur du lycée polyvalent Christian Bourquin d’Argelès-sur-Mer. « Il n’est pas aisé de réussir à concentrer l’attention des élèves sur les quatre chapitres restant. Bon nombre d’entre eux n’en voyant pas l’utilité, ils ne se présentent que rarement en classe », constate aussi Greg, enseignant en sciences physiques, qui a répondu à notre appel à témoins.

« A l’un de mes cours, la moitié de la classe était absente »

Les craintes de Merryleine, enseignante en économie et droit, se sont aussi confirmées :  « Les classes sont remplies aux deux tiers, voire à 50 % selon l’heure (plus facile de venir à 15 heures qu’à 8 heures). Les élèves ne voient pas l’intérêt de continuer à venir malgré le dernier thème à parcourir et les deux notes manquantes pour compléter les bulletins », constate-t-elle. Idem pour Pierre, professeur de maths : « La semaine dernière, après l’annonce des résultats, à l’un de mes cours, la moitié de la classe était absente et un seul élève avait fait ses exercices. » Et tous les lycées, quelle que soit leur réputation, semblent concernés par ce relâchement général, comme le confirme Valérie, elle aussi prof de maths : « Je travaille dans un lycée favorisé et pourtant, nous avons beaucoup d’absentéisme, que même les parents approuvent. »

Une attitude que les enseignants déplorent, même s’ils confient ne pas en vouloir aux élèves. Comme Cyrille, qui prépare les élèves au grand oral : « Comment peut-on leur reprocher ? Tu as 17/18 ans, tu sais que tu as ton bac, point d’orgue de toutes ces années passées sur les bancs de l’école… Évidemment que si on t’offre la possibilité de glander un peu avant la suite, tu vas la saisir, c’est légitime ! Ceux qui ont mis en place ce calendrier sont un peu hors-sol, ou côtoient une minorité d’élèves fondus de travail… », estime-t-il. « Où est l’intérêt pour mes élèves, par exemple, d’apprendre la fonction logarithme décimal maintenant ? Ça ne leur servira jamais dans les métiers qu’ils ont choisis », regrette Valérie.

Sécher n’est pas sans conséquences

Le fait de sécher est pourtant dommageable à plus d’un titre. « Certains ont eu de mauvaises notes aux épreuves de spécialité. Ils auraient besoin d’une bonne note en philo et au grand oral pour obtenir leur bac. Et s’ils ne travaillent pas sérieusement jusqu’à la fin de l’année, ils auront moins de chance d’y arriver », indique Florent Martin. « Pour l’instant, seuls trois élèves ont commencé à réfléchir au sujet de grand oral. J’imagine que comme les deux années précédentes, la majorité s’y penchera après la fin des cours, en juin. Et ceux en difficulté auraient intérêt à envisager de probables épreuves de rattrapage, et donc de travailler jusqu’au bout », complète Pierre.

Mais pas question de se résigner. Les équipes pédagogiques tentent de les stimuler au maximum, à l’instar d’Alix, professeur d’histoire-géographie dans un lycée privé : « Je mise sur l’espoir que bon nombre d’entre eux cherchent à obtenir une mention. Et je leur rappelle régulièrement que notre programme est très proche de celui des prépas aux écoles de commerce. J’ai aussi la chance de pouvoir compter sur la curiosité intellectuelle de certains. Et si vraiment la motivation flanche, je transformerai mon cours en exposés : les élèves respectent, globalement, le travail de leurs camarades », explique-t-elle. Florent Martin fait lui un travail de persuasion : « Je leur rappelle l’importance de se construire des compétences. Et je réfléchis à la mise en place de module de préparation au grand oral, de méthologie pour le travail dans l’Enseignement supérieur… »

« Cinq mois sans trop réfléchir »

Inutile en revanche de jouer la carte de l’autorité, selon Annabelle, prof de philo : « La « menace » de mettre un mauvais avis sur leur livret scolaire en cas d’absentéisme ne les effraie pas du tout : ils ont leurs notes et savent très bien s’ils auront ou non le bac ». Et pas la peine de trop compter sur le soutien des parents, selon Florent Martin : « Nous les prévenons des absences de leurs enfants. Mais si ces derniers ont obtenu de bons résultats aux épreuves de spécialité, ils ne les tancent pas. »

C’est surtout sur le risque d’arriver dans l’Enseignement supérieur avec des lacunes que les enseignants insistent. « La réforme du lycée était présentée comme une manière de « reconquérir le mois de juin ». Or, on a perdu tout le 3e trimestre. Le plus grave, c’est que bien des élèves en ont besoin pour préparer convenablement leur entrée dans les études supérieures », souligne Annabelle. « Après avoir passé 5 mois sans trop réfléchir, sans prendre de notes, sans se concentrer, ils auront des difficultés à se remettre au travail », s’inquiète Florent Martin.