Belgique

« Nous sommes dans une autre Guerre froide »: le renseignement militaire appelle la population belge « à ne plus être naïve »

Cet effort de transparence, le patron du SGRS, Wim Robberecht l’a souhaité pour donner une image plus précise du service, attirer de nouvelles recrues, mais aussi “sensibiliser la population à ne plus être naïve et à exercer un sens critique à l’égard de toutes les informations qui circulent”, explique-t-il à La Libre Belgique. Un rapport classifié sera transmis au Parlement via le Comité R.

Ingérence grandissante

Quatre menaces pèsent principalement sur la sécurité nationale selon le rapport du SGRS : l’ingérence de pays comme la Russie, l’Iran et la Chine ; le terrorisme, sous la forme probable d’une attaque par une personne isolée ; l’extrémisme qui exploite dans la population “le sentiment d’instabilité latente et l’impression d’une dégradation sociétale belge irréversible” et les menaces cyber contre les infrastructures critiques des pays occidentaux ou les fournisseurs de services cloud.

guillement

L’attitude est de plus en plus agressive de la part des grandes puissances.

Nous faisons le constat que les activités d’espionnage et d’ingérence ont atteint des niveaux qui n’avaient plus été atteints depuis la guerre froide, estime le vice-amiral. Le rythme des menaces ne fait que s’accroître ; leurs effets touchent la population, de près ou de loin. Au final, ces menaces font peser un danger direct sur notre régime démocratique”. “L’évolution technologique, celle des médias sociaux, poursuit-il, favorisent une ingérence venant de l’étranger et une manipulation qui sert les intérêts de ces étrangers. L’attitude est de plus en plus agressive de la part de grandes puissances. La période de stabilité entre la fin de la guerre froide et l’invasion de la Crimée en 2014 est terminée.”

« La menace terroriste en Belgique n’a pas disparu »

”Une autre guerre froide”

Une autre guerre froide” est venue “lentement”, selon Wim Robberecht, et la Russie est l’un de ses artisans. Le chef du SGRS attire l’attention sur le caractère “hybride” de la stratégie russe. La manipulation de l’opinion publique est l’une des armes utilisées. Il estime que ceux qui prônent aujourd’hui l’arrêt des hostilités servent les intérêts d’une Russie qui cherche à obtenir et consolider un maximum de territoires à l’est de l’Ukraine.

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Ce n’est pas la personne qui, peut-être avec une bonne volonté, dit : « Arrêtez les hostilités » qui est en cause, mais l’amplification automatique de ce message par des bots dans les pays démocratiques qui, au final, va déforcer les Ukrainiens et servir les objectifs russes.

Souvent les gens ne réalisent pas ce qu’ils sont en train de défendre. Ce n’est pas la personne qui, peut-être avec une bonne volonté, dit : Arrêtez les hostilités” qui est en cause, mais l’amplification automatique de ce message par des bots dans les pays démocratiques qui, au final, va déforcer les Ukrainiens et servir les objectifs russes”, dit-il.

Un monde aussi devenu plus dangereux, selon le SGRS. La renonciation de plusieurs traités contre la prolifération des armes de destruction massive, comme le New Start suspendu en février dernier par le président Poutine, “mine les relations internationales, favorise la course à l’armement avec comme conséquence l’augmentation du risque d’escalade et d’erreur de calcul”.

Gare aux arnaques, elles peuvent survenir de partout avec le web.

Des cyberattaques de plus en plus sophistiquées

Depuis 2022, l’armée belge s’est dotée d’un commandement Cyber. Le rapport du SGRS contient donc aussi un volet sur les menaces informatiques. Là encore la Russie est pointée du doigt, principalement son service de renseignement extérieur, le SVR, qui “continue de cibler des gouvernements, des ONG et des groupes de réflexion avec des logiciels malveillants”. Le renseignement militaire russe, le GRU, lui reste “très préoccupé par l’Ukraine” : il a au premier semestre 2022 activé neuf effaceurs de données sur des systèmes informatiques ukrainiens.

La technologie permet toutefois d’aller plus loin. En 2022, de nouveaux types de logiciels russes ont été découverts : ils visaient les systèmes de contrôle industriel et les technologies opérationnelles. Des “acteurs étatiques russes” ont également été observés en train de mener une cyber-reconnaissance contre des infrastructures critiques (gaz, électricité, téléphonie…) dans des pays occidentaux.

La Chine a également ses cyberespions. En 2021, elle avait infiltré les systèmes informatiques de la Défense et du SPF Intérieur. De façon générale, le SGRS préfère parler d’”opérateurs” en provenance d’un pays car établir un lien avec la structure de l’État n’est pas toujours possible. Tout comme il est difficile de faire la distinction entre des groupes criminels et des hacktivistes travaillant pour des pays étrangers.