Belgique

Les consultations chez une infirmière, une pratique à développer : des résultats parfois meilleurs qu’avec un médecin

Avec le vieillissement de la population, le développement de problèmes de santé multiples et la flambée des maladies chroniques, notre système de santé, hérité d’une époque où il fallait surtout traiter des maladies aiguës, est devenu inadapté. Il n’est pas bien armé pour répondre aux besoins qui accompagnent des problèmes de santé complexes et de longue durée, constate le KCE. De nouvelles approches, faisant intervenir de nouveaux acteurs et mettant davantage l’accent sur la collaboration, doivent dès lors être développées. Il est aussi important d’utiliser le mieux possible les moyens financiers et humains du système de santé. La redistribution de certaines tâches pour décharger des professionnels déjà très sollicités comme les médecins est une piste possible pour y parvenir. La réforme de la profession infirmière en cours dans notre pays s’inscrit dans cette logique : en distinguant plusieurs niveaux de compétences, elle devrait permettre d’y voir plus clair dans les rôles et activités qui peuvent être confiés à chacun, souligne le KCE.

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Des infirmières qui peuvent prescrire certains médicaments

Dans son rapport, le KCE souligne qu’à l’étranger, les infirmiers assument depuis longtemps des responsabilités plus étendues, dont la réalisation de consultations. De nombreuses recherches ont montré que ces consultations infirmières donnaient des résultats au moins aussi bons – et parfois meilleurs – qu’une approche standard ou une consultation avec un médecin, et que leur sécurité était démontrée.

Le KCE cite un exemple venu des Pays-Bas où la gestion du diabète de type 2 en première ligne est effectuée par des infirmiers praticiens ayant suivi, dans ce domaine bien spécifique, une formation équivalente à celle d’un médecin généraliste. Ces infirmiers sont autorisés à prescrire une série de médicaments et à ajuster le dosage de certains traitements bien précis et peuvent également demander des analyses de laboratoire. Ils ne sont pas contre pas habilités à lancer un traitement par insuline. On notera qu’en Belgique, les sages-femmes sont autorisées à poser certains actes médicaux.

Autre exemple : aux États-Unis, ce sont des infirmiers hospitaliers spécialisés qui accompagnent des patients atteints de bronchopneumopathie chronique et leurs aidants proches lors du retour à domicile après une hospitalisation et qui les soutiennent dans l’autogestion de la maladie à plus long terme.

Et la pénurie d’infirmiers, alors ?

Pour le KCE, il ne fait aucun doute que les consultations infirmières répondent à un besoin dans notre pays, leur développement spontané sur le terrain en témoigne. Il manque toutefois encore une vraie vision globale de leur contenu, de leur mode d’organisation et de leur place dans l’offre de soins.

La Belgique connaît toutefois une forte pénurie d’infirmiers. Leur confier de nouvelles tâches ne risque-t-il pas d’aggraver la situation ? Pas forcément, pensent les experts du KCE. D’une part parce que les consultations peuvent intégrer une partie des tâches que les infirmiers effectuent déjà aujourd’hui. D’autre part parce que cela leur offre aussi de nouvelles possibilités d’évoluer dans leur carrière. Cela pourrait rendre le métier plus attrayant.

« Cela diminue les hospitalisations et augmente les chances de guérison ou de survie”

Frédéric Maddalena est infirmier et responsable de la coordination de soins en oncologie, aux cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, où des consultations sont menées par des infirmières depuis le plan cancer de 2008. Ces infirmières jouent trois rôles auprès des patients, explique Frédéric Maddalena. D’abord, un accompagnement psychosocial lors de consultations régulières, dès l’annonce du diagnostic par le médecin. “Le patient a-t-il compris le diagnostic ? Peut-il reconnaître les effets secondaires du traitement ? Est-il isolé socialement ? On lui apporte du soutien et une écoute active.”

Ensuite, un accompagnement clinique. “Il s’agit de l’éducation thérapeutique du patient. On l’aide à acquérir des compétences par rapport à son traitement, qui est quelque chose de nouveau pour lui et de très technique. On vulgarise, on développe son autonomie.”

Enfin, il y a la coordination d’une prise en charge complexe (avec de la chimiothérapie, des opérations,…).“On organise les traitements. On veille à ce que la chimio se fasse dans les temps…”

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Des patients moins anxieux

Cette prise en charge par les infirmières s’est révélée nécessaire à cause de la complexification des traitements. “Il y avait des soucis de coordination entre les différents acteurs autour du patient et un médecin ne pouvait pas assumer cela.”

Une évaluation réalisée en 2013 a montré un taux de satisfaction élevé chez les patients concernant ces consultations infirmières. “Le médecin annonce le diagnostic et le plan de traitement en une demi-heure ou un peu plus. Et nous, on fait le reste. Cela diminue l’anxiété du patient”, affirme Frédéric Maddalena.

L’impact est également sensible sur la santé du patient. “La combinaison d’une consultation infirmière et d’une détection rapide des effets secondaires diminue les hospitalisations, diminue l’intensité des effets secondaires, augmente la sécurité et la qualité des soins et, in fine, augmente les chances de guérison ou de survie.”