Belgique

Le bonus pension de 22 000 euros sévèrement critiqué par les partenaires sociaux : “coûteux”, “très faibles effets”, “les métiers pénibles exclus”

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Politiques incohérentes

Sur papier, l’idée est séduisante. Mais beaucoup doutent de l’efficacité réelle du dispositif. Et certains se demandent s’il est bien équitable. Consulté par la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS), le comité de gestion du service fédéral des pensions, où siègent patrons et syndicats, a rendu fin octobre un avis plutôt sévère. Faute d’avoir pu se mettre d’accord sur un avis unanime (si ce n’est sur la nécessité de réaliser une première évaluation du bonus fin 2026), les représentants des employeurs et des travailleurs ont rendu des avis séparés.

Les représentants syndicaux, tout d’abord, se disent certes “favorables à tout renforcement des pensions des salariés”. Mais ils déplorent les politiques incohérentes d’un gouvernement à l’autre (un bonus pension existait déjà entre 2007 et 2015) et le fait que ce renforcement soit subordonné au fait de travailler plus longtemps après l’ouverture du droit à la pension anticipée. “Les travailleurs ayant un travail pénible et les personnes faiblement qualifiées n’ont souvent pas la possibilité de travailler plus longtemps, de sorte qu’ils sont de facto exclus du bonus pension. ”

Quant aux représentants des employeurs, ils déplorent “la réintroduction d’un bonus pension comme une mesure isolée qui aura de très faibles effets et sera donc coûteuse en dehors d’une réforme plus globale de la fin de carrière”. “On a constaté que le bonus pension bénéficiait surtout aux personnes qui, de toute façon, avaient l’intention de ne pas prendre leur pension anticipée et qu’il y avait dès lors un effet d’aubaine”, écrivent-ils dans leur avis. Du reste, les employeurs s’étonnent de l’introduction d’un paiement en capital (plutôt qu’en rente mensuelle, NdlR) dans un régime de répartition déjà mis à mal par l’arrivée massive à la pension de la génération des baby-boomers et le vieillissement de la population.

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Les indépendants aussi critiques

Consulté par le ministre des Indépendants David Clarinval (MR), le comité général de gestion de l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti) a lui aussi rendu, le 15 novembre, un avis sur le bonus pension. Il n’est pas plus favorable.

Le comité, où siègent les représentants des travailleurs indépendants, doute d’abord de l’effet réel de la mesure, rappelant que le bonus pension qui existait entre 2007 et 2015 a été supprimé par le gouvernement Michel parce que plusieurs études avaient montré qu’il n’atteignait pas ses objectifs d’activation (notamment à cause de l’effet d’aubaine). Le comité se demande dans quelle mesure la réintroduction d’un bonus donnera lieu à de réels changements de comportement. Il note toutefois que le versement de la prime en capital pourrait accroître l’efficacité de la mesure, un paiement unique rendant l’avantage “beaucoup plus tangible”.

Le comité de gestion de l’Inasti pense en outre que le bonus pension contribuerait mieux à l’effet escompté s’il était exclusivement octroyé aux personnes qui ont une carrière complète (45 ans) : “En octroyant un bonus dès la première date possible de pension, on donne l’impression que prendre sa pension de manière anticipée est la norme et que travailler plus longtemps constitue déjà un effort qui doit être récompensé. Dans les esprits, l’âge légal de la pension doit rester la norme. ” Le comité regrette par ailleurs que le bonus soit octroyé quel que soit le nombre de périodes assimilées (chômage, maladie, etc.) pendant la carrière.

Une proposition alternative de réforme

Et le comité de gestion de l’Inasti de faire une proposition qu’il juge plus efficiente : octroyer un bonus progressif non pas sur la base de trois années d’activité professionnelle supplémentaire après l’âge de la pension, mais plutôt sur la base d’un plus grand nombre d’années d’activité effective au cours de la carrière. Par exemple, un bonus de 22 000 euros maximum serait octroyé aux personnes qui ont effectivement travaillé de la 35e à la 45e année de leur carrière. Cela aurait un effet activateur non seulement pour le groupe d’âge de 62 à 70 ans, mais aussi pour les 55-65 ans, dont le taux d’emploi est problématiquement faible.

Que va faire le gouvernement de ces avis ?

Que va faire le gouvernement de ces avis ? Parmi les interlocuteurs sociaux, certains craignent que la Vivaldi ne s’entête. D’un côté, il n’est pas simple de remettre en question un accord durement obtenu entre sept partis. De l’autre, les critiques sont sévères. La majorité fédérale peut-elle les ignorer ? Le dossier sera de retour sur la table de la Vivaldi dans les prochains jours…