Belgique

Gilles Vanden Burre (Écolo): “J’ai de grandes craintes au sujet du Vlaams Belang et du PTB”

Le chef du groupe Écolo-Groen à la Chambre des représentants estime que le rôle du parlement fédéral a été renforcé ces derniers mois. “Le parlement a pris ses responsabilités notamment dans l’affaire des visas accordés aux Iraniens et dans l’examen du rôle qu’a joué la ministre Hadja Lahbib, explique-t-il. On aurait pu renvoyer cette question uniquement au kern (organe informel qui réunit les poids lourds du gouvernement) comme cela se fait souvent dans ce genre de dossiers sensibles. Mais le parlement a tenu à jouer son rôle et, à la fin, ce sont les députés qui ont décidé du maintien ou pas de la ministre ; et donc de la survie du gouvernement. C’est bon pour la démocratie et la transparence. On ne fait assez cela en Belgique.”

Hadja Lahbib (MR), une rage de vaincre bien dissimulée

Un autre exemple où le travail au sein de l’hémicycle a payé, selon l’écologiste : la hausse des taux d’intérêt sur les comptes d’épargne. “On a mis une pression très forte sur le ministre des Finances et on a déposé une proposition de loi, etc. La semaine d’après, je recevais l’avis de la Banque nationale et celui de la Banque centrale européenne sur mon texte. Cela ne m’était jamais arrivé en sept ans de vie parlementaire…

Comment expliquer ce retour en grâce du parlement ? Faut-il y voir un mouvement de fond ou juste le jeu des circonstances ?

Les deux. Certains sujets ont touché directement les gens, comme la question des comptes d’épargne. Le parlement avait la volonté d’avancer assez vite. Par ailleurs, du côté parlementaire, on se rend compte qu’il y a de l’espace politique et qu’on ne le prend pas toujours. J’invite le gouvernement à davantage se servir du parlement lorsqu’un dossier coince. J’avais appelé à ce que la réforme fiscale soit négociée en partie au parlement, par exemple.

Et cela n’a pas été le cas… Les kern se multiplient sur la réforme fiscale.

Non, en effet… Mais si le dossier était négocié au parlement, on pourrait organiser des auditions d’économistes, par exemple. En toute transparence. Je ne dis pas qu’on y arriverait mieux que le gouvernement. Toutefois, dans le contexte de méfiance grandissante à l’égard de la politique, le retour du parlement et sa mise en avant ne pourraient être que positifs.

Dans votre analyse, vous oubliez le rôle des présidents de parti. Discrètement, ce sont eux qui donnent la disciple à suivre aux parlementaires et aux ministres…

C’est vrai. Les parlementaires ne travaillent pas de manière isolée, sur une île. Mais réclamer plus de place pour le parlement vise également à lutter contre la particratie. Écolo est partisan de la réduction du pouvoir immense et unique dans les démocraties occidentales des partis politiques en Belgique.

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Écolo est partisan de la réduction du pouvoir immense et unique dans les démocraties occidentales des partis politiques en Belgique.« 

Le kern, cœur secret de l’État et jouet des présidents de parti

Vous parliez d’Hadja Labhib et de l’Irangate. Mais la montée en puissance récente du parlement a mis aussi dans l’embarras des personnalités écologistes : Petra De Sutter (vice-Première ministre Groen) dans le dossier bpost ou encore Sarah Schlitz pour l’apposition de son logo personnel sur diverses communications. Cette dernière a d’ailleurs dû démissionner.

Oui, mais c’est la démocratie. Tout le monde suit les débats en toute transparence et peut alors confronter ce qui a été dit à la réalité. C’est plus sain que de négocier porte fermée… Ces deux exemples sont difficiles pour nous mais ils restent positifs car ils ont permis un exercice de démocratie et de contrôle parlementaire. Et ces deux ministres en sont sorties grandies dans leur image, même si les épilogues sont différents. Je n’ai jamais reproché à Sander Loones (député fédéral N-VA) de poser des questions dans le dossier du logo. Sarah a démissionné. Tout le monde n’a pas ce courage. D’autres, comme Hadja Lahbib, ont menti devant les députés et sont toujours là.

Le parlement, cœur de la démocratie, donne aussi une tribune pour des expressions radicales venant du Vlaams Belang et du PTB. Y voyez-vous une contradiction ?

La transparence permet de voir les horreurs que raconte le Belang par rapport aux minorités de genre, aux étrangers… Je suis surpris qu’en Flandre on ne parle pas davantage de ce que ce parti raconte. Ailleurs en Europe, les partis d’extrême droit n’osent plus dire tout haut ce qu’ils pensent vraiment. Mais le Belang, lui, n’en a rien à f… On sait ce que pensent ses élus car ils le disent au micro. C’est la démocratie. Par contre, si un jour l’extrême droite et les populistes d’extrême gauche occupaient 40 % des sièges, est-ce que la démocratie serait encore valorisée ? J’ai de grandes craintes à ce sujet. Les démocrates doivent donc se battre au parlement pour faire apparaître la vraie nature du Vlaams Belang et du PTB. Ce combat doit viser en priorité l’extrême droite mais aussi les simplismes et le populisme de l’extrême gauche.

Et la démocratie participative ? L’accord de gouvernement parlait d’avancer dans cette réflexion. Où en est-on ?

Pour les écologistes, il y a deux priorités absolues au niveau du parlement. La première, c’est la gouvernance : diminution des rémunérations des députés, assainissement total de leurs statuts, transparence par rapport aux lobbies, aux missions parlementaires… Tout cela est en cours. Notre seconde priorité absolue : mettre en place les commissions mixtes parlementaires/citoyens au parlement fédéral sous cette législature. D’ici au printemps 2024. Les textes sont prêts à être votés. Cela coince un peu avec nos partenaires de majorité car on n’a pas encore réussi à les convaincre qu’on peut y arriver avant les élections. Les écologistes sont assez seuls dans ce dossier. Les thématiques à soumettre à cette assemblée mixte sont connues et ont été validées : avenir du pays, avenir du Sénat, avenir de la démocratie…

”Le parlement devrait pouvoir nommer les informateurs et les formateurs”

L’accord de gouvernement prévoit également d’imposer un délai pour la formation des gouvernements à l’avenir. L’après 2024 s’annonce politiquement très compliqué… Cette disposition aurait tout son sens.

Un rapport va sortir à ce sujet. Les partis vont devoir se prononcer sur cette question. En Belgique, ça reste nécessaire. En Europe, l’Espagne a ce dispositif. Il faut que les négociateurs chargés de mettre une nouvelle coalition en place aient l’obligation de se présenter devant le parlement. Le parlement devrait d’ailleurs pouvoir nommer les informateurs et les formateurs.

C’est une prérogative royale.

Je sais. Je ne veux pas ouvrir ce débat. Mais, logiquement, il faudrait acter le principe de la responsabilité des informateurs et des formateurs devant le parlement après X mois de discussions : ils devront alors expliquer l’état d’avancement des négociations gouvernementales et le parlement fédéral pourra se prononcer. Il faut rendre un rôle au parlement dans ces négociations prégouvernementales.

BRUSSELS, BELGIUM - DECEMBER 20 : Gilles Vanden Burre ( ECOLO-GROEN ) speaks with Maggie De Block during the debate about the Budget during a plenary session of the Chamber at the Federal Parliament. on December 20, 2022 in Brussels, Belgium, 20/12/2022 ( Photo by Bert Van Den Broucke / Photonews
Gilles Vanden Burre, chef de groupe Ecolo-Groen à la Chambre des représentants. ©BVB