Belgique

En dépit d’une « image poussiéreuse » et de compétences floues, les provinces pourraient encore avoir des beaux jours devant elles

guillement

Nous avons parlé de la lasagne institutionnel indigeste de ce pays. Un jour, il faudra agir sur ce dossier. Mais politiquement, il n’y a pas d’unanimité sur la suppression des province. »

”Le conseil d’administration de l’Union wallonne des villes et communes entreprises a discuté la semaine dernière de son mémorandum 2024 : il y a eu un gros débat sur l’institutionnel. Nous avons parlé de la lasagne institutionnelle indigeste de ce pays. Un jour, il faudra agir sur ce dossier. Mais politiquement, il n’y a pas d’unanimité sur la suppression des provinces”, nous indique Maxime Day (MR), président de l’Union des Villes et Communes de Wallonie. “En tant qu’élu MR, je préside par ailleurs le forum des pouvoirs locaux. Certains pensent que le plus simple, c’est de supprimer les provinces. D’autres pensent qu’elles ont un rôle à jouer. Mais ce qui compte, vraiment, c’est supprimer des couches de la lasagne. On ne peut continuer à dépenser l’argent public dans autant de structures. Il faut vraiment se poser la question de l’utilité pour le citoyen.”

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Mais peut-on si facilement supprimer les provinces, et pourquoi, jusqu’ici, cela n’a-t-il pas été fait ?

”Une agence de financement complémentaire”

”Que font les provinces ? Essentiellement, elles sont une agence de financement complémentaire de la communauté française qui n’arrive pas à nouer les deux bouts mais aussi, plus récemment, des zones de secours”, souligne Christian Behrendt, constitutionnaliste à l’ULiège.

La province bénéficie toutefois d’un atout, dont ne jouit par la Communauté française. “Dans notre système, seules les entités élues directement peuvent lever l’impôt. C’est le cas du conseil provincial. Or, nous avons dans notre système constitutionnel un patient compliqué. La communauté française souffre d’un sous-financement chronique et de compétences dispendieuses que sont l’enseignement, les crèches, la culture etc.”, souligne encore le constitutionnaliste.

”Une image poussiéreuse”

Christian Behrendt, dans deux études fleuves, a analysé le profil des dépenses des provinces. Celles-ci s’élèvent à 1,5 milliard d’euros pour les 5 provinces, principalement dédiés à des matières communautaires. “Le conseil provincial a une image poussiéreuse. Le problème est que si vous supprimez les élections directes provinciales, vous supprimez 1,5 milliard d’euros de possibilité de financement, en appoint, pour les écoles provinciales, les bibliothèques, les domaines provinciaux etc. Ce n’est pas romantique… Mais c’est de la technique budgétaire.”

Si une difficulté réelle existe quant à une éventuelle suppression, elle est avant tout politique. “La constitution permet de supprimer le conseil provincial depuis la sixième réforme de l’État. Il est possible de dire : mettons tout à plat et levons cet impôt ailleurs. On peut alors ouvrir avec la Flandre un débat institutionnel pour le financement des communautés. Mais je vois mal un refinancement de la communauté française s’opérer sans en faire de même pour la communauté flamande… Le débat sur la suppression des provinces n’est possible que si vous trouvez un repreneur pour une masse d’1,5 milliards d’euros”, ajoute Christian Behrendt, qui pointe alors la Région.

Or, le niveau régional ne peut, en l’état, se substituer aux pouvoirs exercés par la Communauté française. Tant que la communauté existe, la province risque fort de continuer à exister. Pour supprimer les provinces, il faudrait, en pratique, supprimer la communauté française et régionaliser le pays. Ce scénario mène à la Belgique à quatre régions préconisée par Paul Magnette.

Actuellement, dans l’ingénierie constitutionnelle, la province est indissociablement liée à l’avenir de la communauté”, confirme Christian Behrendt. “Or, il n’existe actuellement pas de consensus politique pour une suppression de la communauté”. Le MR de Georges-Louis Bouchez, notamment, s’oppose à un tel modèle.

En dépit des critiques dont elles font l’objet, les provinces pourraient donc avoir encore de beaux jours devant elles.