Belgique

Comment le gouvernement bruxellois corrige l’évaluation peu favorable des ses hauts fonctionnaires, avec un double bonus à la clé

Car en cas de mention défavorable, ou simplement satisfaisante, ces mandataires publics peuvent contester leur note auprès du gouvernement. Et ils le font presque systématiquement. Encore récemment, Marie-Carmen Bex, la directrice générale – étiquetée Écolo – d’Innoviris (l’institut bruxellois de soutien à la recherche), a déposé un recours auprès du gouvernement pour contester son évaluation « satisfaisante », qui correspond à la notation intermédiaire.

C’est une forme de détournement de l’esprit de l’évaluation, estime Bernard Clerfayt (Défi), ministre bruxellois des Pouvoirs locaux.

« Nous avons voulu la dépolitisation de la fonction publique. Une étape a été franchie. Mais si on veut aller au bout du processus, il faudrait évaluer la situation actuelle. On peut s’interroger sur le fait que le recours ait lieu devant le gouvernement. Comme les personnes évaluées ont parfois eu un parcours politique, y a-t-il une absolue neutralité dans la décision ? s’interroge Bernard Clerfayt. Il est arrivé régulièrement que les personnes évaluées obtiennent, de la part du gouvernement bruxellois, une réévaluation de la note de la commission d’évaluation. Que de temps en temps, un recours soit gagné, c’est légitime. Déposer un recours est un droit. Mais si c’est très régulier, cela pose question. L’esprit de la règle, ce n’est pas qu’il y ait un recours systématique quand l’évaluation n’est pas favorable. D’autant que, si les recours sont gagnés, cela peut inciter les autres mandataires à aller en recours. »

Un double bonus : 980 euros par mois

Trois appréciations sont en effet possibles, en cas d’évaluation. La mention « défavorable », assez rare, force le mandataire à renoncer à son poste.

Si le travail est jugé « favorable », le candidat peut être reconduit dans le poste qu’il occupe. Il bénéficie en outre d’une double prime de mandat, en plus de sa rémunération classique. À titre d’exemple, Barbara Dewulf, directrice ad interim de Bruxelles Environnement, a reçu après son évaluation favorable une double prime de mandat (deux fois 490 euros, soit 980 euros brut par mois), en complément de sa rémunération de base (129 941 euros par an).

Si le mandataire n’obtient que la mention intermédiaire, dite « suffisante », il ne peut par contre pas bénéficier de ce double bonus. Et il devra obligatoirement redéposer sa candidature pour obtenir un nouveau mandat.

Selon le cabinet de Sven Gatz (Open VLD), ministre bruxellois de la Fonction publique, dix recours ont été déposés depuis le début de la législature, sur un total de 71 évaluations achevées. Deux membres du gouvernement sont alors délégués pour faire office de jury et évaluer le haut fonctionnaire, en lieu et place de la commission d’évaluation, dépolitisée et composée d’experts.

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Dans six cas sur dix, l’avis de la commission a effectivement été révisé par le gouvernement. Anne Claes, directrice de Brussels International, a ainsi vu sa mention « satisfaisante », révisée en « favorable » par le gouvernement, tandis qu’Arlette Verkruyssen, directrice de Bruxelles Logement, est passée d’ »insuffisante » à « favorable ».

Yves Bastaerts, (CD&V), qui a exercé comme « haut fonctionnaire » ad interim auprès de Bruxelles Prévention et Sécurité, a lui aussi vu sa note révisée par le gouvernement.

Dans trois cas, l’avis a par contre été maintenu. Comme pour Isabelle Meulemans, directrice générale de Talent. brussels, et pour Cédric Verschooten, son directeur général adjoint, qui avaient obtenu la mention « satisfaisante ». Les dirigeants de l’institution chargée de sélectionner les jurys d’évaluation ont donc contesté leur propre évaluation.

Citons aussi le cas de Viviane Scholliers, « haute fonctionnaire » auprès de Bruxelles Prévention et Sécurité, à qui une évaluation défavorable a coûté son poste.

« Elles ne sont pas systématiquement corrigées »

« Il est vrai qu’en général, les mandataires viennent devant le gouvernement pour réformer les mentions favorables ou insatisfaisantes. Il n’est par contre pas correct de dire que les évaluations qui ne sont pas favorables sont systématiquement corrigées par le gouvernement, conclut le chef de cabinet de Rudi Vervoort. Si c’était le cas, la commission d’évaluation pourrait en effet se décourager. Mais le problème n’est pas de cette ampleur. »

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