Tunisie

Une première ya bouguelb !! L’Orchestre Symphonique Tunisien recrute sur Facebook – Actualités Tunisie Focus

Je viens de voir, par hasard, une publication faite par Monsieur Youssef Messaoudi, clarinettiste à l’Orchestre Symphonique Tunisien, selon laquelle l’OST cherche des musiciens professionnels pour renforcer l’effectif de l’orchestre pour les 2 concerts qui auront lieu les 20 et 21 juin 2023.

Je crois qu’il est temps de de rompre le silence, 5 ans après mon départ de la direction de ce prestigieux orchestre, au sein duquel je garde de très beaux souvenir en tant que violoniste et soliste depuis 1979, et en tant que Directeur Musical et Chef d’orchestre de juillet 2012 au 12 juin 2018.

En effet, cinq ans jour pour jour sont largement suffisants pour tirer la sonnette d’alarme face à une gestion anarchique de la première institution musicale en Tunisie : l’Orchestre Symphonique Tunisien.

1 – Comment une institution publique, qui bénéficie des subventions de l’état, ose-t-elle aller chercher des musiciens sur les réseaux sociaux ? Jusqu’à quand allons-nous faire appel à des cachetonneurs (dans notre jargon des Arabniya) ?

2 – Jusqu’à quand allons-nous continuer à improviser une programmation au dernier moment, concerts prévus le 20 et 21 juin (d’après la publication) qui, à ce jour, ne figurent nulle part, et pour lesquels on cherche des musiciens PROFESSIONNELS 3 jours avant le démarrage des répétitions. Est-ce que ce délai est suffisant pour préparer leurs valises pour le voyage ?

3 – A quoi sert l’Académie de l’OST, pour laquelle on a fait venir pendant ces cinq années d’existence des dizaines de musiciens formateurs étranger dans le but de remédier à ce manque d’instrumentistes ? Tous ces jeunes instrumentistes (flûtistes, clarinettistes, bassonistes, trombonistes, timbaliers…) ne sont-ils pas capables, après tant d’années d’encadrement, d’assurer
les secondes parties ? ou bien sont-ils là pour faire de la figuration afin de plaire aux responsables du Ministère de tutelle ?

Je crois qu’il est temps de se poser certaines questions qui à mon sens doivent trouver des réponses urgentes.

1 – Que font nos institutions d’enseignement musical qui couvrent géographiquement parlant tout le territoire tunisien, à savoir une trentaine de conservatoires publics et 6 instituts supérieurs de musique, auxquels on peut rajouter quelques dizaines de conservatoires privés ?

2 – Est-ce qu’il y réellement une politique de formation musicale capable de nous fournir des musiciens dont le niveau est égal à celui assuré par les conservatoires européens ? Je ne pense pas.

3 – Quand est-ce que les responsables de la Cité de la Culture et les sous-responsables chargés de la direction de l’OST prendront-ils conscience que la planification des activités de l’orchestre se fait sur une saison artistique qui s’étale sur neuf mois successifs avec un programme publié en début de chaque saison ? Sinon comment peut-on fidéliser le public ?

4 – Pourquoi dépenser autant d’argent pour un concert qui sera donné dans une période d’examens scolaires et universitaires et à une semaine de l’aïd ? J’ai fait une petite simulation du coût de cette fameuse opération du 20 et 21 juin : 1 billet d’avion Paris Tunis Paris (minimum 650 dinars) + 7 nuitées en pension complète (environ 200 dinars la nuitée soit 1400 dinars) + un cachet de 600 euros soit environ 2000 dinars (apparemment nous avons un excédent énorme en devises à la Banque Centrale). Une opération qui coûtera au contribuable plus de 40000 dinars pour les 10 musiciens que l’OST souhaite inviter et auxquels il faudra rajouter les cachets des musiciens locaux, sachant qu’un orchestre symphonique complet est formé de 60 musiciens (un musicien tunisien est rémunéré à la Cité de la Culture, pour 7 répétitions et 2 concerts, environ 1000 dinars). Cela nous donne alors une facture totale de 90 000 dinars de cachets auxquels il faudra rajouter les frais de la salle, les frais de régie, la consommation d’énergie (climatisation, éclairage) … J’espère qu’ils réussiront à vendre les 1600 places de la salle de l’Opéra lors des deux concerts pour rentabiliser au moins les cachets des musiciens (O invitations).

5- Ne serait-il pas plus bénéfique et plus économique de travailler sur des projets de coopération culturelle, qui ne pèsent pas lourd sur les budgets de l’état et qui sont en général dans la logique de la formation pédagogique et des échanges généralement fructueux entre les musiciens des deux rives de la Méditerranée ?

Il est plus que temps, pour les décideurs, de commencer à revoir de façon radicale leur stratégie culturelle à long terme, afin d’espérer un jour pouvoir se vanter d’avoir de vrais orchestres composé entièrement de musiciens résidents dont le niveau est comparable à celui des musiciens internationaux.

A bon entendeur !

Hafedh Makni