Tunisie

La liberté de pensée a tenu seulement 45 minutes à la Foire du Livre sous le règne de Kais Saied »

Le président tunisien Kais Saied a prêché vendredi à la Foire du Livre de Tunis l’importance de « libérer la pensée », mais ses agents ont confisqué peu après un essai politique le dépeignant en Frankenstein, selon l’auteur et la maison d’édition.

Il est important de libérer la pensée car nous ne pouvons rien accomplir avec une pensée rigide », a déclaré M. Saied devant les journalistes en visitant la Foire internationale du Livre de Tunis dont la 37e édition s’est ouverte vendredi dans la capitale. Mais peu après la visite présidentielle, des agents de sécurité ont ordonné la fermeture du stand de l’éditeur Dar El-Kitab (la Maison du livre) et confisqué le livre « Le Frankenstein tunisien » de Kamel Riahi, ont indiqué à l’AFP l’auteur et sa maison d’édition.

Cet essai qui vient de paraître est présenté par son auteur comme un livre « politique », évoquant un Frankenstein tunisien en la personne de Kais Saied, créé par un peuple voulant exprimer son rejet du système en place depuis la Révolution de 2011, la première du Printemps arabe, qui a renversé la dictature.

« J’ai été informé que mon livre a été confisqué et le stand de la maison d’édition fermé », a déclaré M. Riahi à l’AFP par message téléphonique depuis le Canada où il réside. Selon lui, les autorités « cherchent un prétexte pour interdire le livre » depuis sa sortie.

« Décision arbitraire »

« Des agents de sécurité du ministère de la Culture ont confisqué le livre et fermé notre stand après la visite de Saied », a indiqué à l’AFP le patron de la maison d’édition, l’une des plus importantes en Tunisie, Habib Zoghbi.

Les agents ont avancé « la possession d’un livre non autorisé » comme justification à cette démarche, a-t-il ajouté. « La liberté de la pensée a tenu très exactement 45 minutes à la Foire du Livre sous le règne de Kais Saied », a réagi sur les réseaux sociaux le compte « 10 Millions de Politiciens », un commentateur assidu de la vie politique tunisienne.

L’opposition accuse M. Saied de dérive autoritaire depuis qu’il s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, laissant à l’agonie la démocratie née de la révolte de 2011.

Journalistes et militants des droits humains protestent régulièrement contre la politique qualifiée de « répressive » du pouvoir, visant selon eux à intimider les médias. Depuis début février, les autorités ont incarcéré plus de 20 opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la radio la plus écoutée du pays, Mosaïque FM.

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