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Voitures incendiées, maisons réduites en cendres, décès… L’Inde en proie aux violences ethniques

Un mélange explosif

Tout a commencé le 3 mai dans la localité de Torbung, au sud de cet État à peine plus grand que la Wallonie et frontalier de la Birmanie. Un syndicat étudiant composé notamment de personnes de l’ethnie Kuki manifeste contre un arrêt de la Haute Cour de Manipur rendu le 27 mars. Ce jugement ordonne aux autorités locales de déposer une demande auprès du pouvoir fédéral pour que la communauté ethnique majoritaire, les Meiteis, bénéficie de quotas dans la fonction publique et les universités. L’emploi est une question sensible dans cette région où plus d’un tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. En outre, l’ethnie Meitei représente 53 % de la population de cet État de 3 millions d’âmes. De confession hindoue, elle est mieux représentée à l’Assemblée législative et dans l’appareil d’État que les minorités chrétiennes Kuki et Naga pour qui la décision de la Haute Cour est injuste. Ces deux communautés sont aussi travaillées par des revendications séparatistes et nationalistes depuis les années 50. Pas étonnant donc que le verdict mette le feu aux poudres.

La manifestation du 3 mai à Torbung rassemble quelque 80 000 personnes et elle dégénère vite. Les protestataires s’en prennent à des Meiteis qui répliquent. Le soir même, un monument aux morts Kuki est incendié. Les violences font tache d’huile le lendemain, en particulier à Imphal, la capitale régionale, où Meitei et Kuki s’affrontent. Après plusieurs décennies d’insurrection séparatiste, les ethnies de Manipur se sont organisées en multiples associations et syndicats voire en groupes armés : ils peuvent se mobiliser très rapidement.

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Des tensions interethniques croissantes

L’intensité des affrontements ne surprend pas les observateurs en Inde tant les tensions interethniques n’ont cessé de monter ces derniers mois. Le gouvernement local, dirigé par Biren Singh, est entre les mains du BJP, le parti fondamentaliste hindou du Premier ministre Modi. Depuis près de six ans, le BJP est parvenu à séduire la communauté Meitei au détriment parfois des autres ethnies. Le ministre en chef Biren Singh a dénoncé à plusieurs reprises l’afflux de réfugiés venus du Myanmar depuis 2021. Il a ainsi alimenté une crainte parmi les Meiteis d’une immigration encouragée par les Kukis, qui appartiennent à la même ethnie que certains réfugiés birmans, pour accroître leur poids démographique.

Dans le même temps, le gouvernement local a exproprié des populations kukies au nom de la protection de l’environnement après avoir déclaré an août 2022 qu’une quarantaine de villages dans le sud de l’État étaient illégaux. Ces dernières semaines, des villages, des habitations et des églises ont été rasés alors que les autorités ont transformé certaines zones dans les collines en “forêt protégée” et en “sanctuaire animalier”.

Le flou plane sur les contours que pourrait prendre une sortie de crise. Parmi les options sur la table, le gouvernement fédéral peut démettre le gouvernement de Manipur et prendre en main l’appareil administratif jusqu’à ce que la tension retombe.