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”Nos forêts sont en danger”

Le Département de la santé des forêts (DSF), qui dépend du ministère de l’Agriculture, vient d’annoncer une autre mauvaise nouvelle : 2022 est la pire année en matière de reprise de plantations sur la période 2007-2022. 38 % d’entre elles sont en échec : elles affichant un taux de reprise inférieur à 80 %. Près de 60 % de la mortalité est attribuée à la sécheresse.

Le dépérissement forestier s’accélère sous la pression des dérèglements du climat

Ces données inquiétantes témoignent de l’impact du dérèglement climatique sur les forêts. “Elles peuvent essayer de s’acclimater aux nouvelles conditions, mais le succès de ce processus dépend de l’emballement du réchauffement climatique, explique Isabelle Chuine, chercheuse CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, basée à Montpellier. Dans les projections que nous avions réalisées sur la base des prédictions climatiques, nous avions prévu une forte accélération des extinctions en 2050. Ce sont des espèces qui sortent des conditions dans lesquelles elles sont capables de vivre. Mais là, nous avons l’impression que cela sera plus rapide. Le dépérissement forestier s’accélère.”

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Isabelle Chuine et ses collègues étudient notamment le chêne vert dans le bassin méditerranéen. “Comme il a très peu plu l’automne et l’hiver derniers, nous analysons l’impact du stress hydrique avec plus d’un mois d’avance, et nous observons déjà de la mortalité. Nous constatons aussi depuis pas mal d’années que la surface foliaire des arbres diminue. Les feuilles forment la première variable d’ajustement quand la sécheresse arrive. Comme les arbres perdent leur eau via les feuilles, une façon pour eux de perdre moins d’eau est de réduire leur surface foliaire. Mais ça finit par devenir problématique pour la photosynthèse et les arbres se meurent.”

Des arbres plus sensibles aux parasites

Fragilisés, les arbres sont aussi plus aisément agressés par des parasites et des insectes, comme dans le nord-est de l’hexagone, où des forêts entières d’épicéas ont été terrassées par des coléoptères appelés scolytes.

Les solutions pour inverser la tendance sont peu nombreuses, et compliquées. Il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre bien sûr, ainsi que de diversifier les essences et de planter des espèces plus résistantes. Mais cela demande du temps, et les espèces les plus tenaces sont aussi les moins productives.

”Nos forêts remplissent des missions d’intérêt général importantes, rappelle Isabelle Chuine. Elles captent le CO2, régulent le climat, jouent le rôle de climatiseurs en ville, fournissent du bois, épurent l’eau, luttent contre l’érosion, abritent une biodiversité riche… Mais elles sont aujourd’hui en danger, sans parler du risque incendie.”

Mi-avril, le gouvernement a signé une convention lançant un plan massif de reboisement. Il vise à planter un milliard d’arbres d’ici dix ans dans ces forêts qui souffrent face au réchauffement climatique. Mais vu l’état des nappes phréatiques, les statistiques 2023 du DSF pourraient être pires que celles de 2022.