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“Mon travail continuera ailleurs » : le gouvernement italien fait table rase à la Rai

La télévision de Giorgia Meloni

Quelques jours avant Fabio Fazio, l’administrateur délégué de la Rai, Carlo Fuortes avait lui aussi tiré sa révérence. “Je ne peux plus accepter les compromis sur les changements de lignes éditoriales et sur la programmation, que je considère comme contraires aux intérêts de la Rai, juste pour obtenir un accord au conseil d’administration sur les nouveaux programmes” a-t-il justifié, parlant de pressions politiques qui s’intensifiaient depuis le début de l’année. Libéré de cet homme encombrant qui avait été nommé par Mario Draghi, le gouvernement a choisi deux noms proches de la droite, Roberto Sergio, un conservateur, nouvel administrateur délégué et Giampaolo Rossi à la direction générale, un lieutenant de Giorgia Meloni, un homme qui anime depuis toujours les fêtes et les évènements publics du parti Fratelli d’Italia. Le remplacement des animateurs, des journalistes, des rédacteurs en chef des journaux de la radio et de la télévision devrait suivre.

Un service public politisé depuis toujours

En Italie, le “spoil system” est bien ancré. À chaque changement de pouvoir politique, un jeu de chaises musicales est imposé par le nouveau pouvoir en place dans toutes les administrations. À la Rai, la gauche italienne en a sans aucun doute abusé dans le passé. Mais quand le chef de la droite s’appelait Silvio Berlusconi, une sorte d’équilibre était respecté vu qu’il était propriétaire du plus grand groupe privé de la télévision italienne, Mediaset. Avec Giorgia Meloni au pouvoir c’est une autre histoire. “C’est une phase vraiment difficile, on ne sait pas ce que vont devenir de nombreux programmes et des personnalités de la Rai”, explique Corrado Augias, un intellectuel de haut vol souvent présent dans les émissions de qualité. “Certains noms qui circulent sont bons, d’autres moins. L’occupation de la Rai par les partis politiques a toujours été massive. Avant, tout était dans les mains de la démocratie chrétienne, mais eux, au-delà des choix de moralité savaient faire de la bonne télévision. Puis lorsqu’on a créé la deuxième chaine, les socialistes ont voulu mettre la main dessus et ainsi de suite, jusqu’à ce que la Rai depuis 2004 soit gérée par le parlement. Giorgia Meloni se comporte comme les autres, avec la différence qu’elle montre une certaine nervosité, elle le fait avec moins de discrétion. ”

La TV, reine de l’information

Selon une étude sur les habitudes des Italiens, le rapport Censis datant de 2022, 51 % d’entre eux affirmaient encore s’informer uniquement par le biais de la télévision. Le TG1, le journal télévisé de la première chaîne publique est le plus regardé, avec douze millions de téléspectateurs en moyenne. Sans compter les nombreux “talk shows”, ces émissions de discussions sur les thèmes politiques qui encombrent le paysage audio visuel italien avec une qualité souvent plus que discutable. Contrôler la Rai en changeant les hommes et les femmes au pouvoir et à l’antenne semble donc une évidence pour Giorgia Meloni. La question, encore ouverte, est de savoir ce que la droite et l’extrême droite en feront, et comment changer la narration et les programmes de la télévision publique italienne pour changer culturellement la société.