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Maghreb : cercle vicieux et aide toxique – Actualités Tunisie Focus

L’Europe demande aux capitales d’Afrique du Nord d’être le gardien des frontières tout en voulant des centaines de milliers de travailleurs qualifiés.

L’année 2023 finira comme elle a commencé : 600 migrants sont arrivés le 28 décembre sur l’île de Lampedusa , la porte d’entrée de l’Union européenne. Les clandestins étaient partis de Libye et de Tunisie, venant d’Égypte, d’Érythrée, du Pakistan où de Tunisie.

Tous les efforts des Européens n’y font rien, l’année s’achèvera sur le chiffre de 165 000 arrivées en Italie, chiffre qui se rapproche des records de 2015 (près de 200 000 arrivées, dont une majorité de Syriens), qui n’est pas lié à une guerre mais à une addition de crises, de coups d’État, de mauvaises gestions.

Quand on parle immigration illégale, on sous-entend Maghreb

À six mois des élections européennes, le thème de l’immigration est devenu central dans les débats publics de nombreux États membres de l’Union européenne. En France, le RN fait la course en tête dans les intentions de vote, plus de 30 % ; en Allemagne, l’AfD pour la première fois dépasserait les 20 % ; en Italie, les Frères d’Italie, le parti de Giorgia Meloni devrait l’emporter…

Et quand on parle immigration illégale, on sous-entend Maghreb. Le vote de la loi immigration en France l’a montrée. Les images d’un hémicycle français surchauffé ont rebondi dans les pays d’Afrique du Nord.

La décision des parlementaires d’exiger des étudiants étrangers une caution alimente une forte colère parmi les classes moyennes supérieures qui se serrent la ceinture pour offrir un avenir à leurs enfants. Déjà, pour obtenir un simple visa, les démarches à entreprendre auprès de TLS (la société sous-traitante de l’État français) sont vécues avec ressentiment.

La décision votée au Sénat et au Palais-Bourbon, qui devrait être appliquée de façon symbolique, « 10 euros » évoquait la Première ministre Élisabeth Borne, coûtera cher en image. Le continent des « droits-de-l’hommistes » a vécu.

Un cercle vicieux s’est installé en très peu de temps. D’un côté, il est demandé aux capitales d’Afrique du Nord de garder leurs frontières moyennant finances, assistances techniques et autres artifices afin de canaliser les flux venant du Sahel où de pays plus lointain.

De l’autre, la même Europe a besoin – par centaines de milliers – de mains-d’oeuvre pour s’occuper de ses vieux, faire tourner ses restaurants, ses hôpitaux, constituer les équipes de nettoyage de ses bureaux… Un ambassadeur confiait, en off, son exaspération.

Un courrier lui demandait une fermeté accrue sur les visas, un autre courrier sollicitait des milliers de saisonniers pour la saison d’été. « Une folie », concluait-il. L’Italie façon Meloni, qui promettait « l’immigration zéro » pendant la campagne, recrute 454 000 migrants pour les années 2024-2025. Avec des contorsions pareilles, l’UE s’enferre dans ce cercle vicieux.

La Commission européenne a fait les yeux doux à tous les pays d’Afrique du Nord , quelle que soit sa situation politique. On a félicité chaleureusement le maréchal Al-Sissi pour sa troisième élection de pharaon, 89,1 % dès le premier tour face à trois candidats qui faisaient tapisserie. Peu importent les entorses aux fondamentaux démocratiques, on attend de lui qu’il surveille ses côtes, soit un acteur clé de la guerre qui détruit Gaza.

L’UE a définitivement tourné la page de l’espoir démocratique, elle aborde le Maghreb avec un pragmatisme fortement teinté de cynisme. Cent cinquante millions d’euros d’appui budgétaire ont été versés à l’État tunisien il y a dix jours.

L’objectif ? La mesure était dans la tuyauterie bruxelloise depuis l’été, depuis qu’un mémorandum a été signé avec la présidente de la Commission européenne. En échange d’un soutien en liquidités aux finances de l’État, il est souhaité que les côtes tunisiennes soient fermement gardées.

Les élections européennes feront figure de test pour les dirigeants européens et maghrébins. La composition du futur Parlement européen ne modifiera pas la politique migratoire. En 2024, les opinions du Sud et du Nord vont se raidir, l’affirmer dans les urnes en Europe.

L’Union européenne prise au piège de la Tunisie

Depuis que cette zone sahélienne a viré de bord, travaillé par le Kremlin avec la volonté de pousser vers l’Europe le maximum de migrants afin de déstabiliser les opinions. Le Niger, pays clé de la migration, a succombé à un putsch. Les mille cinq cents militaires français ont fait leurs paquetages et l’ambassade a fermé. Le logiciel russe fonctionne à plein régime.

Ce n’est pas un complot. C’est une sale guerre qui se mène au coeur de l’Afrique avec l’ambition de crucifier les Européens. De les bouter hors d’Afrique puis de les miner de l’intérieur en leur envoyant des convois de migrants. Un cercle vicieux

Par Benoît Delmas