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La menace d’une nouvelle guerre civile au Soudan : « C’est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement”

Selon plusieurs sources médicales, au moins 56 civils ont été tués dans la capitale et sa banlieue mais aussi au Darfour, où trois humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies ont été abattus à proximité de la frontière, désormais fermée, avec le Tchad. Dans les rangs des militaires et “paramilitaires”, les victimes se compteraient par dizaines et les blessés par centaines.

Une explosion de violence après des mois de tensions entre le chef de l’armée régulière (SAF), le général Abdel Fattah Al-Burhane, et, le général Mohammed Hamdan Dagalo – surnommé “Hemetti” – et ses Forces de soutien rapides (RSF), une milice paramilitaire régulièrement pointée du doigt pour ses méthodes brutales.

Front commun éphémère

Lors du putsch d’octobre 2021, les deux généraux avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais les désaccords, notamment l’intégration des RSF au sein des troupes nationales, n’ont pas tardé et ont débouché sur une forte présence militaire à Khartoum et de nombreux voyages à l’étranger des représentants des deux camps, afin de s’y assurer des soutiens.

Depuis le putsch, Hemetti n’a pas caché son ambition de devenir le prochain homme fort du pays, quitte à se ranger du côté des civils, et donc contre l’armée, dans les négociations politiques. Les islamistes ont aussi avancé leurs pions. Des analystes soudanais, ainsi que les représentants de plusieurs partis politiques, soupçonnent les anciens membres du Parti du congrès national (NCP) du dictateur déchu Omar el-Béchir de semer le chaos afin de faire dérailler le processus de transition et tenter un éventuel retour au pouvoir.

Guerre d’usure

Le général Hemetti a déclaré à la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira que ses combattants “ne s’arrêteraient pas avant d’avoir pris le contrôle de l’ensemble des bases militaires” et appelle la population à se retourner contre l’armée. Depuis samedi, il affirme que ses Forces de soutien rapide tiennent l’aéroport international de Khartoum et le palais présidentiel. Une information démentie par l’armée nationale soudanaise qui a déployé son aviation et bombardé des bases des RSF dans des quartiers résidentiels, densément peuplés, de la capitale. L’hôpital Bashair, au sud de Khartoum, affirme avoir déjà reçu plusieurs victimes civiles.

Combats de rue et blindés en travers des routes empêchent tout déplacement dans la capitale où déambulent des hommes armés en treillis croisant de rares civils, portant quelques affaires, à la recherche d’un abri. Partout, des colonnes de fumée s’élèvent depuis samedi du centre-ville où se trouvent les principales institutions de l’État.

”C’est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement”, s’inquiète Ahmed Seif qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l’est de Khartoum. Il redoute que son immeuble ait été touché par des tirs, comme beaucoup d’autres, mais dit avoir “peur de sortir vérifier”, par crainte des balles perdues et des hommes en treillis qui quadrillent les rues.

À Khartoum, la nuit a été longue. “Les explosions et les tirs n’ont pas cessé”, raconte à l’AFP un habitant de la capitale.