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Au moins deux morts et 28 disparus dans le naufrage d’un ferry au large du Gabon: « Papa, on est en train de couler »

Peu de temps après avoir appareillé de Port-Môle, le port commercial de Libreville, l’Esther Miracle, de la compagnie privée Royal Cost Marine (RCM), a coulé après une voie d’eau peu avant 4:00 du matin, non loin de la côte et de l’entrée du golfe ouvrant sur la capitale, où les eaux sont peu profondes mais les courants très puissants.

« En pleine nuit, ma fille m’a appelé, je me suis douté que quelque chose se passait, elle me dit: ‘Papa, on est en train de couler…' », puis plus rien, raconte à l’AFP un quinquagénaire qui refuse de dire son nom mais scrute anxieusement, en milieu de matinée, le débarquement à Port-Môle des premiers rescapés recueillis sur un patrouilleur de l’armée.

« Nous avons ouvert une enquête, pour savoir si le bateau avait une avarie, auquel cas le propriétaire pourrait être mis en cause pour avoir mis en péril la vie des passagers, ou bien s’il s’agit d’un cas de force majeure indépendant de la volonté de quiconque, nous n’avons pas encore d’éléments dans un sens ou dans l’autre », explique à l’AFP douze heures après le naufrage André Patrick Roponat, procureur de la République de Libreville.

« Les recherches se poursuivent mais si, à la tombée de la nuit, nous n’avons retrouvé personne il faudra malheureusement considérer qu’il y a de fortes chances que les disparus soient décédés », ajoute le magistrat en milieu d’après-midi.

Voie d’eau

Les deux morts sont « un enfant et un adulte », précise la RCM sur sa page Facebook. « L’équipage a signalé une voie d’eau entre 3h et 4h du matin », « qui a entraîné une perte de contrôle du bateau », expliquait la compagnie un peu plus tôt.

Les premiers rescapés sont arrivés en milieu de matinée à quai à Port-Môle à bord de pirogues à moteur de pêcheurs, puis d’un patrouilleur de la Marine nationale. Puis une grosse barge de la compagnie de logistique pétrolière Peschaud, qui se trouvait à proximité, en a débarqué des dizaines d’autres, sous les yeux du Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, et du ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha.

Une jeune femme gémit sur un brancard porté par des secouristes jusqu’à une rangée d’ambulances. Plus loin, un pompier porte dans ses bras un bébé enveloppé dans une couverture de survie tandis qu’une très jeune maman, sous un hangar à l’ombre d’un soleil de plomb avec d’autres rescapés, caresse frénétiquement la tête de son fils, les vêtements souillés par son séjour dans l’eau.

Face aux dizaines de brancards alignés sur le quai, les familles, rongées par l’anxiété depuis l’aube, ont été tenues à distance mais pouvaient apercevoir chaque rescapé débarqué. « Je sais quel pantalon il portait hier soir », commente une femme le regard rivé sur le défilé.

Chants religieux

Mais une fois tous les rescapés sortis du bateau, une autre se met à hurler et à se frapper la tête, prise en charge immédiatement par les secouristes avant de s’effondrer. Elle n’a reconnu personne dans la file des hommes, femmes et enfants sortant de la barge…

« A 4h du matin, un ami de la police m’a appelé pour me dire qu’il avait eu mon fils et un de ses amis au téléphone lui disant qu’ils étaient en train de couler », raconte à l’AFP Jean-Félix Moungonga, policier à la retraite. « Ils ont dit qu’il y avait beaucoup de rescapés mais je ne serai rassuré que quand je verrai mon fils », souffle-t-il.

À peine les pieds sur la terre ferme, une vingtaine de passagers, un gilet de sauvetage autour du torse, se regroupent et s’agenouillent sur le quai et entonnent des chants religieux les mains tendues vers le ciel. « Dieu, Seigneur, tu nous as sauvés des eaux, nous allons faire des sacrifices pour toi, merci Seigneur », scande l’un d’eux tandis que les autres prient.

« Il n’y avait pas eu un seul membre de l’équipage qui nous a dit comment évacuer », témoigne pour l’AFP Wilfrid Ngomo, l’un des survivants. « Il y avait un couple de personnes âgées âgées devant moi, je ne crois pas qu’elles s’en sont en sorties (…) la femme était aveugle », lâche-t-il.