France

Tout comprendre à la controverse suscitée par l’examen de droit à Lyon-2

Le partiel que lesétudiants en droit de l’université Lyon-2 ont passé la semaine dernière a suscité de vives réactions. Si les élèves ont été les premiers à dénoncer la rédaction de l’intitulé en écriture inclusive, d’autres se sont emparés du sujet. De quoi parle-t-on précisément ? Et quelles ont été les réactions ces derniers jours ? 20 Minutes fait le point sur cette affaire qui a largement dépassé les frontières de Lyon.

De quoi parlait ce sujet ?

Lors du partiel qui s’est déroulé mercredi dernier, les étudiants en licence de droit à l’université Lyon-2 disposaient de trois ou quatre heures pour réaliser le sujet demandé, selon l’option choisie. A savoir rédiger une dissertation sur le droit de la famille, comme s’ils étaient en 2050, afin de revenir « sur les principales évolutions intervenues depuis le début des années 2000 ». Ou résoudre le cas qui leur était présenté lors de l’épreuve.

Marti, en pleine demande de divorce, vient les trouver pour leur demander conseil. L’histoire raconte que Marti et Maki, de nationalité allemande et « non-binaires » [ni exclusivement femme, ni exclusivement homme], sont mariés depuis 2018 et vivent en France. Ne parvenant pas à avoir d’enfant, le couple a eu recours à une insémination artificielle avec un don d’ovocytes. Au moment de leur démarche, les deux ressemblaient « à des femmes », précise l’intitulé du sujet. Après l’insémination, le couple a effectué une double reconnaissance conjointe. Mais les choses se sont gâtées quelques mois après la naissance de leur enfant.

Maki, reconnue à l’état civil comme « la mère » au moment de l’accouchement, conteste désormais le droit de filiation de Marti, ayant été reconnu comme le père « à ce moment-là » puisqu’il « ressemblait à un homme ». Sauf qu’aujourd’hui, son épouse maintient qu’il n’était pas un homme et qu’il ne peut se prévaloir de la présomption de paternité.

Pour corser l’histoire, Marti avait accueilli au sein de son foyer un orphelin biélorusse, avant de rencontrer sa future épouse. L’enfant a été adopté par Maki mais non par Marti, dont la demande a été refusée par la juge. Et aujourd’hui, on lui permet d’avoir uniquement un droit de visite.

Qu’est-ce qui pose problème ?

Ce n’est pas le sujet en lui-même ou la difficulté de l’exercice qui a suscité la controverse, mais sa formulation. Les deux enseignants ont rédigé l’intitulé en écriture inclusive, qui permet d’intégrer tous les genres et non plus seulement le masculin. Ils n’ont pas utilisé le point médian mais une forme d’écriture « trans-inclusive » marquée par l’usage d’un « x » ou d’autres tournures inhabituelles.

Ainsi, les « ils » sont devenus « als ». Le mot « tous » a été remplacé par « touz », « ce dernier » par « cæt derniær » et les « professionnels » étaient écrits « professionnæls ». On pouvait également lire comme phrase : « Lors de la naissance de l’enfant appelæ Pris [prononcer Prisse], Maki, qui avait accouché, a été reconnux à l’état civil… » ou « à la crèche, où Pris est inscritx, tout le monde traite Arti comme an parentx ».

« Ce sont des mots inventés qui ne veulent rien dire », s’est insurgé Barthélémy Cayre-Bideau, l’un des responsables de l’UNI. Le syndicat étudiant a rapidement posté le sujet donné sur son compte Twitter afin de montrer à quel point il était « illisible ». « Comment voulez-vous que les étudiants soient concentrés sur le contenu et la problématique de droit posés par l’enseignant s’ils passent la moitié du temps à traduire ? », relève le jeune homme auprès de BFM Lyon.

« On se met à la place de l’étudiant de première année, qui a révisé pour ses partiels, qui est en situation de stress et qui se retrouve face à ça. Un énoncé incompréhensible », pointe à son tour Rémy Perrad, délégué national de l’Uni, sur le plateau télévisé de Cnews. Le syndicat, qui a dénoncé une « propagande du wokisme », reproche également aux enseignants d’avoir incité les élèves à rédiger leurs textes en écriture inclusive. Les consignes stipulaient : « Vous pouvez répondre en français standard ou inclusif avec la forme d’inclusivité que vous maîtrisez ».

Quelles ont été les réactions ?

Plusieurs élus du Rhône, majoritairement des élus LR, n’ont pas manqué de réagir par le biais des réseaux. A commencer par Jérémy Bréaud, le maire de Bron, commune sur laquelle se trouve l’un des campus de l’université Lyon-2. « Une honte. Triste d’en arriver là. Vive la langue française », écrit-il, ajoutant avoir demandé à l’établissement de « cesser d’écrire à la ville en écriture inclusive sous peine de non-réponse ». « Nous avions été entendus », précise-t-il encore.

Sébastien Michel, le maire d’Ecully, a qualifié le sujet de « torchon de bêtises » « truffé d’un vocabulaire aussi incompréhensible que militant ». « Les délires woke de certains, heureusement ultra-minoritaires, n’ont pas à contaminer nos universités », s’indigne-t-il.

Du côté des éditorialistes, la journaliste Emmanuelle Ducros estimait, ce lundi sur Europe 1, que « c’est extrêmement excluant pour tous les étudiants dyslexiques, stressés, étrangers », pour lesquels « la confrontation au texte, à la langue française est déjà difficile ». « Les étudiants en droit ne sont pas destinés à être des cobayes de ce genre d’expériences snobs et pédantes », a-t-elle ajouté.

Enfin, l’humoriste Gaspard Proust s’est fendu d’une chronique dans les pages du JDD où il considère que l’écriture inclusive, « outre la laideur congénitale de ces hiéroglyphes pour Champollion à QI d’huître » est « une formidable machine à exclure ».

Que dit l’université Lyon-2 ?

Dans un communiqué, l’établissement a tenu à soutenir ses deux enseignants, défendant la liberté pédagogique. « Dans l’enseignement général, les enseignants et enseignantes sont entièrement libres quant au sujet d’examens et à leur formulation », rappelle-t-il. Et de préciser qu’il « n’exerce donc aucun contrôle sur les sujets, pas plus que sur le contenu pédagogique ». Sauf dans les cas où des propos diffamatoires, injurieux ou discriminatoires seraient tenus, « ce qui n’est pas le cas ici ».

L’université affirme également vouloir « développer le sens critique des étudiants ». Reconnaissant que la rédaction du sujet « peut surprendre de prime abord », l’établissement estime que l’exercice permettait de « réfléchir aux normes linguistiques et à la manière dont elles façonnent les représentations sociales des liens d’alliance et de parenté ».

Quant aux enseignants visés, ils ne sont pas exprimés pour le moment mais devraient prochainement le faire.