France

Réforme des retraites : L’IGPN saisie pour le coup de matraque qui a émasculé un manifestant

Les premiers retours avaient été unanimes : avec seulement 44 interpellations, des heurts sporadiques et surtout rapidement maîtrisés, la manifestation parisienne contre la réforme des retraites était décrite comme un véritable succès en matière de maintien de l’ordre. Un bilan assombrit dimanche après les révélations du quotidien Libération. Un ingénieur franco-espagnol de 26 ans, photographe amateur, a été émasculé après avoir reçu un coup de matraque à l’entrejambe. Le parquet de Paris a annoncé ce lundi midi l’ouverture d’une enquête pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique. Les investigations ont été confiées à l’IGPN, la police des polices.

La scène a notamment été filmée par BFM et des photographes indépendants. On y aperçoit la victime au sol sur le dos, son appareil photo en bandoulière, lorsqu’un policier bondit littéralement dans sa direction et lui assène un violent coup de matraque au niveau de l’entrejambe. Le fonctionnaire repart immédiatement auprès de ses collègues, positionnés à quelques pas de là. Dans Libération, l’ingénieur blessé explique avoir été poussé au sol par un autre policier [aucune image de ce moment n’a été diffusée]. « Ça s’est passé au moment d’une charge de police pour tenter d’interpeller un homme qui lançait des projectiles depuis un long moment, notamment des morceaux de palettes », indique à 20 Minutes une source policière haut placée qui assure que l’homme blessé se trouvait « à proximité immédiate ». Il s’agit d’une des deux seules charges notables de la manifestation.

Le porte-parole du gouvernement « interpellé » par les images

Si au sein de la préfecture de police, on se refuse à tout commentaire, le geste de ce fonctionnaire appartenant à une compagnie d’intervention interroge. Les images montrent, en effet, le policier faire immédiatement demi-tour après avoir asséné un coup de matraque, laissant des manifestants venir en aide à l’ingénieur. L’homme n’a d’ailleurs pas été interpellé, preuve qu’aucune charge ne semblait peser sur lui. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a lui-même confié être « interpellé » à la vue de ces images. « Il faut identifier ce qui relève de la légitime défense », a-t-il cherché à nuancer. Mais ce principe, strictement encadré par la loi, ne peut être avancé qu’en cas de danger immédiat et repose sur la proportionnalité de la réponse. Or, sur les images diffusées, l’homme est à terre, non armé, lorsqu’il est frappé.

Blessé au niveau d’un testicule, le manifestant blessé a subi une ablation et se trouve toujours à l’hôpital ce lundi. Dès dimanche, l’avocate de cet ingénieur qui vit en Guadeloupe a annoncé son intention de porter plainte pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation par personne dépositaire de l’autorité publique, des faits relevant d’une qualification criminelle. Signe que l’affaire est prise très au sérieux, avant même que la justice ne se saisisse de l’affaire, la préfecture de police de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative à la demande du préfet, Laurent Nuñez, pour éclaircir les « circonstances » de l’incident rapporté.

Une enquête administrative ouverte dès ce week-end

Si ce type d’enquête est parfois confiée à l’IGPN – qui peut donc se pencher sur le côté administratif et judiciaire – elle est menée, dans ce dossier, en interne. C’est donc la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), à laquelle appartient le fonctionnaire mis en cause, qui en a la charge. « La première étape, c’est d’entendre les versions de chacun, c’est-à-dire de la personne incriminée mais également de ses collègues pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé », explique une source policière.

En fonction des conclusions, l’homme pourra être renvoyé devant un conseil de discipline. « Dans les faits, lorsqu’il y a une enquête judiciaire, on ne délivre généralement pas de sanction administrative avant une décision de justice », note cette source qui précise qu’une sanction administrative peut être décidée même sans condamnation. « Mais c’est difficile de ne pas prendre en compte cet aspect lors du conseil de discipline. ». Reste que si l’affaire suit désormais son cours, ces images entachent le premier baptême du feu en matière de maintien de l’ordre du nouveau préfet Nuñez.