France

Crise énergétique : « On ne peut plus payer et on menace de nous couper le courant », déplorent les boulangers en colère

Dans le pétrin, les boulangers ont délaissé le temps d’une journée leurs fourneaux pour battre le pavé parisien ce lundi après-midi. Principale raison de cette mobilisation inédite : l’explosion des factures d’électricité. « Depuis décembre, notre facture d’électricité est passée de 2.500 euros à 14.000 euros », témoigne Joëlle, 56 ans, dont 39 ans de boulange. « Nous avons demandé à la banque une autorisation de découvert, sans ça, on ne peut pas continuer à travailler », explique celle qui emploie 11 salariés dans une boulangerie à Avon, en Seine-et-Marne.

Pour l’occasion, Joëlle s’est déguisée en femme-sandwich avec un panneau demandant de ne « pas toucher à [sa] baguette ». Non loin, dans le cortège qui, parti de la place de la Nation a rallié le ministère de l’Economie et des Finances à Bercy, on retrouve Isabelle dont les factures d’électricité ont été multipliées par 7 en l’espace de deux mois. « On ne peut pas payer et on nous menace de nous couper le courant », s’alarme-t-elle. Propriétaire d’une boulangerie à Ollainville dans l’Essonne, elle s’inquiète : « si ça ferme, c’est la vie de village qui va en prendre un coup ». Et ce n’est que grâce aux anxiolytiques qu’Isabelle réussit à tenir face à cette situation impossible.

La métaphore est explicite.
La métaphore est explicite. – G. Novello

Dans le cortège, entre les klaxons et les cornes de brumes, on défile au son de « boulangers, en danger » ou encore de « Olivia, tes calculs ne sont pas bons », en référence à Olivia Grégoire, ministre en chargé des PME, du Commerce et de l’Artisanat. D’ailleurs, les dernières annonces du gouvernement n’ont pas convaincu puisqu’Isabelle a toujours le sentiment de « ne pas être entendue » tandis que Joëlle réclame l’extension du « bouclier tarifaire pour tous ».

Loterie et drapeau breton

Comme dans tout défilé qui se respecte, il y a évidemment un drapeau breton, brandi ce lundi par Alan qui travaille dans une boulangerie à côté de Brest. Il a été envoyé avec six collègues par sa patronne pour manifester à Paris. « Les factures d’énergie ont été multipliées par 4-5, explique-t-il. On est obligés de taper dans la trésorerie, de réduire les primes. Si le gouvernement ne fait rien, ça va monter. Sans pain, il n’y a rien et la Révolution française a commencé parce qu’il n’y avait pas de pain. »

Alan, derrière son drapeau breton.
Alan, derrière son drapeau breton. – G. Novello

Sébastien, quinze ans de boulangerie, s’est aussi levé tôt pour rallier en train Paris depuis la Vienne où il tient son commerce. « J’ai des prix fixes jusqu’à la fin de l’année donc pour l’instant je suis plutôt épargné mais c’est la loterie, raconte-t-il. Et ça fait peur pour l’avenir parce qu’avec une facture d’énergie multipliée par 4, la boulangerie ne tiendrait pas. »

Une facture multipliée par 25 !

Ce lundi, il n’y avait pas que des boulangers à défiler. Ainsi Ulrich est restaurateur dans l’Essonne et il a bravé le froid pour dire son désespoir. « Ma facture d’électricité a été multipliée par 25 en un mois. J’étais à 700 euros en novembre et je suis passé à 17.500 euros en décembre, s’alarme-t-il. En janvier, je suis à presque 16.000 euros alors que j’ai fermé neuf jours ! » Il a fait opposition aux prélèvements mais assure qu’avec de tels coûts – « environ 40 % du chiffre d’affaires »-, il ne peut « pas reprendre son activité ».

L'ancien député Jean Lassalle est venu apporter son soutien.
L’ancien député Jean Lassalle est venu apporter son soutien. – G. Novello

Arrivé en face de la citadelle de Bercy, défendue par de nombreuses forces de l’ordre, le cortège a préféré se lancer dans un sit-in plutôt qu’à l’assaut du ministère. Reste à savoir si les boulangers en colère seront entendus, alors que la confédération nationale de la boulangerie n’a pas souhaité se joindre au mouvement,  rassurée par les dernières annonces du gouvernement. L’un des manifestants déplorait leur faible nombre, quelques milliers tout au plus. Mais ils pourront néanmoins compter sur l’inénarrable Jean Lassalle, le champion des terroirs, venu passer une tête chapeautée à l’arrivée de la manifestation, attirant une nuée de groupies (on exagère à peine), mais moins les journalistes, pourtant présents en nombre. Un signe que le sort de la baguette, récemment inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, est devenu un enjeu national.