France

Pourquoi les cas de méningite sont-ils en recrudescence ?

Une augmentation inédite. Depuis quelques mois, la France fait face à une recrudescence inhabituelle des cas d’infections invasives à méningocoque (IMM), alerte Santé publique France. Les méningocoques, « bactéries qui peuvent provoquer des maladies très graves comme les méningites ou les septicémies, peuvent être mortelles ou laisser des séquelles importantes », rappelle le ministère de la Santé.

Mais comment expliquer cette hausse des cas ? La couverture vaccinale est-elle la seule explication ? 20 Minutes fait le point.

Que sont les méningocoques et quelles sont les régions touchées ?

Il existe plusieurs types de méningocoques. « Les plus fréquents en France sont les méningocoques de groupe B, C, W et Y, détaille le ministère. Ce sont des bactéries normalement présentes dans la gorge et le nez de nombreuses personnes. Ces bactéries peuvent se transmettre par voie aérienne ou par la salive. La transmission est interhumaine et nécessite un contact proche (moins de 1 mètre) et prolongé ».

« Le plus souvent, les méningocoques n’entraînent pas de maladies particulières, plutôt des infections pas ou peu symptomatiques, comme une angine, détaille le Pr Daniel Floret, spécialisé en maladies infectieuses et vaccinologie et vice-président de la Commission technique des vaccinations à la Haute autorité de santé (HAS). Des infections naturelles qui n’entraînent pas de troubles graves, mais dans certains cas, cela peut provoquer des maladies très graves comme les méningites ou les septicémies ».

Et plusieurs cas d’IMM ont été recensés localement ces derniers mois. « Des regroupements spatiotemporels d’IIM B ont été identifiés en 2022 en Auvergne-Rhône-Alpes et à Strasbourg, où des campagnes de vaccination ont été mises en place auprès de la population, indique Santé publique France. Ces situations semblent contenues mais elles restent suivies avec attention. Ces phénomènes peuvent survenir de manière aléatoire en lien avec l’émergence et l’implantation locale de certaines souches de méningocoques ». En pratique, « l’épidémiologie des IMM est extrêmement fluctuante et imprévisible, ajoute Daniel Floret. Quand une nouvelle apparaît et qu’elle est très virulente, elle va entraîner localement une augmentation des cas, c’est un phénomène observé de longue date ».

Pourquoi un tel rebond cette année ? Faut-il s’en inquiéter ?

Selon Santé publique France, cette hausse « n’est pas un phénomène inattendu, après deux années de faible circulation des méningocoques. Deux hypothèses peuvent être avancées : (d’une part), un risque d’infection plus élevé qui résulte d’une immunité diminuée dans la population ayant été moins exposée aux méningocoques entre 2020 et 2022 ». Un effet direct du Covid-19 : « au plus dur de la pandémie, alors que les gestes barrières et la distanciation sociale étaient largement respectés, le nombre d’IMM avait chuté de façon très importante, et l’immunité collective avec. Mais cet hiver, les comportements ont changé, et la circulation des méningocoques a repris, avec des contaminations qui sont non seulement reparties à la hausse, mais qui sont de surcroît plus élevés qu’avant la pandémie », souligne le Pr Floret.

Autre explication pour cet hiver : « une saison plus marquée en lien avec l’ampleur des épidémies d’infections virales saisonnières en 2022/2023, poursuit Santé publique France, en particulier les infections par le virus de la grippe ». Par quel mécanisme ? « Il y a une corrélation entre les épidémies de maladies virales respiratoires, qui abîment les muqueuses respiratoires, et les IMM : l’infection virale altère les muqueuses, ce qui permet au méningocoque de les franchir et de passer dans le sang, et ainsi mener à des septicémies et des méningites, décrit le Pr Floret. Or cette année, il y a eu une épidémie très forte de grippe et d’infections à VRS [virus respiratoire syncytial, notamment responsable de la bronchiolite chez les enfants]. D’où cette hausse des IMM ».

Où en est-on de la vaccination contre ces infections à méningocoque ?

A ce jour, « grâce à la vaccination, on a pratiquement éradiqué les méningocoques C, indique le Pr Floret. Le problème, c’est le B, première cause d’IMM chez les enfants, à l’origine des cas recensés en Auvergne Rhône-Alpes et à Strasbourg. Mais aussi ceux de type W, qui touche adolescents et jeunes enfants, et Y, qui touche les adultes plus âgés : alors qu’ils étaient tombés à des taux d’incidence très bas, ils sont en train de remonter ».

Or, « seule la vaccination contre le méningocoque C est obligatoire jusqu’à 2 ans pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018, rappelle le Pr Floret. Désormais, elle est recommandée contre les IIM B chez l’ensemble des nourrissons selon le schéma suivant : une première dose à 3 mois, une deuxième à 5 mois, et une dose de rappel à 12 mois. Il est fondamental d’améliorer la couverture vaccinale, probablement faible aujourd’hui, car c’est la tranche d’âge où l’incidence des IMM B est la plus élevée, donc tous les enfants de moins de 2 ans devraient être vaccinés contre cette souche ». « Le rebond observé en 2022-2023 rappelle l’importance de la vaccination des nourrissons pour les protéger contre les infections liées aux sérogroupes B et C », abonde Santé publique France.

Pour une lutte plus efficace, « la HAS se pose la question de modifier les recommandations vaccinales, afin d’introduire une protection contre les souches W et le Y, mais aussi contre la souche B » au-delà de 2 ans, informe le vice-président de la Commission technique des vaccinations. « La réflexion est en cours ».