France

Malaise à Marseille après des remarques d’un proviseur jugées racistes

Lettre par lettre, l’inscription s’affiche sur le grand drap blanc qui sera, quelques minutes après, accroché sur le fronton de l’établissement, juste en dessous des lettres indiquant « Lycée Victor-Hugo » : « Proviseur raciste. Rectorat complice. » Dans une longue enquête de Mediapart, publiée il y a tout juste une semaine, des élèves de ce lycée du centre-ville de Marseille, tout près de la gare Saint-Charles, se disent victimes d’un « acharnement » de la direction. En cause ? Leurs tenues qui leur ont valu des convocations, au nom de l’application des dernières consignes ministérielles sur les signes religieux ostensibles.

« Je veux pas que vous restiez à la maison avec dix gamins hein, à faire le couscous, le tajine ou les samoussas ». Devant le lycée Victor-Hugo, ce jeudi matin, la phrase est diffusée à plein volume dans une enceinte branchée pour l’occasion. Des propos tenus par le proviseur de l’établissement, face à ces élèves convoquées pour avoir porté des vêtements jugés inappropriés. Comme le rapporte Mediapart, l’une d’elles est habillée en abaya, une longue robe noire considérée par l’Education nationale comme une tenue susceptible de manifester ostensiblement une appartenance religieuse, et donc interdite. Dans cet enregistrement que 20 Minutes s’est également procuré, le procureur raconte l’histoire d’une précédente élève « qui mettait les tenues comme ça, qui faisait pis que pendre dans la cité et qui avait des strings dessous ».

Des propos « dégradants »

« Les propos prononcés ne sont pas admissibles au sein de notre institution, estime un professeur interrogé par 20 Minutes sous couvert d’anonymat. Ils ont eu des conséquences sur les vies de certains élèves qui se voient déjà répéter cela dans différents endroits de leur vie. Et ce que je voudrais, c’est que ces propos cessent. Concrètement, il y a un retour difficile de certaines élèves en classe après les entretiens. Subir des discriminations raciales, religieuses ou sexistes fait du mal, abîme et fragilise. Si on veut que l’école soit le sanctuaire qu’elle prétend être, il faut qu’on soit beaucoup plus alerte sur ces sujets-là. Ces propos de notre proviseur me semblent incompatibles avec l’exercice de ses fonctions parce qu’ils sont dégradants pour les élèves. »

Ces propos, tenus en début d’année par ce proviseur nouvellement nommé dans l’établissement, ont fait l’objet d’un signalement au rectorat. « On les a alertés de toutes les manières possibles et vraiment ils nous ont méprisés, rapporte Emmanuel Roux, secrétaire général de l’Union locale CGT Marseille centre-ville et surveillant au sein du lycée Victor-Hugo. On est resté six mois sans réponse. » Plusieurs membres du personnel grévistes ont en revanche été suspendus selon ce représentant syndical. « J’ai été suspendu quelques jours après avoir défilé avec une banderole : Balance ton proviseur », affirme l’un d’entre eux, jusqu’ici surveillant au lycée Victor-Hugo. « Il règne un vrai climat d’omerta », regrette Emmanuel Roux.

Soutien du rectorat

Sollicité par Mediapart, le rectorat fait part de « son plein et entier soutien à l’équipe de direction qui fait l’objet de pression, d’accusations totalement injustifiées ». Une réaction que ne comprend pas le personnel mobilisé. « Dans un établissement avec un indice de position sociale qui classe notre élève 866e sur 866 lycées généraux et technologiques en France, au public fragile, nous créons, jour après jour, un climat de confiance, de travail et de soutien avec nos élèves, écrivent des professeurs dans un communiqué de presse. Comment instaurer cette confiance avec nos élèves et leurs familles lorsque des propos aussi dégradants et contraires aux valeurs de la République sont tenus par la plus haute autorité de l’établissement et cautionnés par le rectorat ? »

« Nous demandons une réponse institutionnelle suite aux propos qui ont été tenus », réclame Maria, une autre assistante d’éducation en grève depuis le 16 janvier. Contacté par téléphone par 20 Minutes, le rectorat n’a pas donné suite à nos sollicitations à l’heure où ces lignes sont écrites.