France

Immeubles effondrés à Marseille : « La vie continue » dans la manifestation contre la réforme des retraites

Des yeux embués qui en disent long. Et des bras qui enserrent un ancien voisin. « J’ai habité 35 ans le quartier, rue Jaubert, à deux pas de la rue Tivoli », glisse cette femme qui souhaite retrouver l’anonymat du cortège contre la réforme des retraites parce que, dit-elle, « la vie continue ». Sur le Vieux-Port à Marseille, l’heure est ce jeudi à la mobilisation, comme chaque semaine depuis le début du mouvement. « On est là, tout va bien », entonne maladroitement Pierrot, l’ambianceur de manif de la CGT Energie, alors qu’en arrière-plan les drapeaux de l’hôtel de ville sont en berne, en mémoire des huit victimes de l’effondrement de la rue Tivoli.

Les drapeaux de l’intersyndicale de la ville de Marseille le sont aussi durant la minute de silence organisée sur le perron de la mairie, peu avant que le cortège ne s’élance, qui rassemble, au-delà de Marseille, des villes alentour « Malheureusement le calendrier fait qu’on a un rassemblement qui vient juste après ce drame mais on voulait marquer le coup avec les collègues, nous réunir pour un moment de recueillement pour les victimes », relève Christophe Martin-Chalamel, secrétaire de la section CFDT, qui s’en va ensuite « crier » sa « colère contre cette réforme ».

Dans le mistral qui fait relever les cols, les bribes de conversations parlent de la décision du Conseil constitutionnel à venir, du congrès PCF de ce week-end à Marseille, de trimestres encore à cotiser. De LFI aussi (« Pff, ils réintroduisent Quatennens ! »), d’énergies renouvelables (« Est-ce que ne ce n’est pas mieux juste le bois, que d’aller dans tous les sens ? »), et tout simplement de boulot.

Dans un cortège plus clairsemé que les autres fois, Didier Corrieri, retraité de la navale, vend à la criée La Marseillaise pour le compte de l’association des amis du journal. La journée de manifestations barre la Une et d’après lui, c’est elle qui alimente les sujets du jour. Enfin en tout cas auprès des personnes qui viennent à sa rencontre. « Généralement, j’en vends une centaine sur les manifs », confie-t-il.

« Ce sont plutôt les enfants qui en parlent »

« La rue Tivoli, ce sont plutôt les enfants qui en ont parlé entre eux en descendant la Canebière », observe Vanessa. Avec d’autres parents d’élèves d’une école du quartier Longchamp, ils se sont retrouvés pour aller manifester ensemble. « Cela a commencé par mon fils qui racontait la fissure dans la maison d’amis tout proches du périmètre de sécurité, chez qui on était hier soir, puis les autres ont enchaîné sur ce qu’ils avaient eux aussi vu ou vécu », continue-t-elle.

Pour l’heure, les enfants entonnent « Macron, si tu savais, ta réforme, ta réforme… ». Tous réunis dans une charrette que pousse notamment Guillaume, plus que jamais mobilisé en cette douzième journée de mobilisation. « Il y aura je suis sûr au moins un rassemblement en hommage, en soutien, à toutes ces personnes restées dans les décombres ou qui sont victimes de cette explosion, c’est-à-dire les personnes qui sont évacuées, qui sont à l’hôtel, chez des amis ou la famille », avance-t-il entre deux slogans lancés au mégaphone. « Ce n’est pas le moment de tout mélanger, assure-t-il. Marseille a déjà montré dans quel mouvement de solidarité elle peut se mettre lors de ses grands soucis, durant la rue d’Aubagne ou à d’autres moments ». Sur la rue Tivoli, il attend à présent « que soit réquisitionnée la centaine de logements Airbnb dans les quartiers alentour ». Et il se tient prêt, pour cela, à faire entendre sa voix.