France

Immeubles effondrés à Marseille : Au bar du quartier, NRJ12 a remplacé BFMTV pour contenir « la dépression »

« Allô le bar : deux pastis et un verre de rouge ! » Au bar-tabac-restaurant-PMU le Paoli, à deux pas de la rue de Tivoli et du lieu de la catastrophe des effondrements d’immeubles à Marseille, la journée s’égrène au rythme des commandes déclamées par les deux serveuses qui s’occupent de la salle et de la terrasse. Derrière le comptoir, Adrien et son collègue préparent les breuvages requis et bavardent avec les clients accoudés au bar, pour certains quotidiens, en témoigne ce « à demain, mon gâté », lancé par le patron à Mathieu.

Dans la salle, sur le téléviseur, les hits des années 1990 de NRJ12 ont remplacé ce jeudi l’actualité trop anxiogène de ces derniers jours. « On a arrêté avec BFMTV hier en fin d’après-midi. C’était trop la dépression nerveuse. Ça s’est apaisé, là », explique Adrien, le propriétaire de ce bar authentique « QG du quartier », indique un client d’une cinquantaine d’années, voisin de la rue de Tivoli toutefois épargné par les évacuations. En cette fin de matinée, les conversations y ont retrouvé un semblant de normalité. Entre deux verres de toutes les couleurs, blanc, jaune ou rouge, on y parle volontiers du match de Ligue des champions de la veille, du raté de João Félix, l’attaquant de Chelsea face au Real Madrid. Les discussions tournent aussi sur la vie quotidienne des artisans : « Alors, ce placo, c’est posé ? » Et l’éternel sujet météo, agrémenté ce jour par le retour du Mistral qui glace le fond de l’air. « Il faut bien que les gens avancent », souffle un habitué du café touché par ce drame.

« Dans deux jours plus personne n’en parle »

Les deux exemplaires du quotidien local La Provence mis à disposition pour les clients passent de mains en mains. On s’attarde moins sur les pages d’ouverture qui reviennent sur la catastrophe qui s’est nouée au 17, rue de Tivoli, que sur les pages sports ou celles annonçant les courses hippiques du jour.

Désormais, tout se passe comme si les conséquences du drame faisaient désormais partie du décorum. A l’image de cette affiche qui fait état de la recherche d’un chat roux perdu depuis le soir de l’explosion. Ou bien lorsque Jacques, un évacué du périmètre de sécurité, demande au patron : « Pour les raisons que tu connais, est-ce que je peux laisser mes affaires derrières ? » Et Adrien de répondre : « Comme d’habitude, fais comme chez toi. »

Les pompiers se font plus rares au bar

A l’heure du déjeuner, sur le calme des banquettes, les hypothèses pour déterminer les causes précises de l’explosion continuent néanmoins à alimenter quelques discussions : « Les accidents ça va vite. Il suffit que la dame ait oublié de fermer le gaz après avoir fait à manger à 20 heures, parte se coucher, se lève pour pisser dans la nuit, allume la lumière et ça fait boum », avance un client à son voisin. Mais si le bar a servi, ce matin encore, gratuitement grâce aux dons des clients, 45 cafés aux marins-pompiers, ceux-ci commencent à se faire de plus en rares. Seuls quatre ont passé le pas de la porte entre 11 heures et 15 heures.

Progressivement, le bar retrouve son rythme habituel, fait de salutations entre amis et de commandes à la cantonade. « Dans deux jours plus personne n’en parle », pronostique le patron. « Oh, il y a la grève, c’est le bordel », râle auprès du vendeur de tabac un jeune homme en chemise en coton blanc épais qui a visiblement mis un peu plus de temps que prévu pour se rendre dans son quartier. Au bar comme ailleurs, une actualité en chasse une autre parmi des phrases immuables : « Tu me mets un Ricard ? »