France

« Emmêler nos solitudes » : Un nouvel album très intime pour Madame Monsieur

« On naît seul, on vit seul et on meurt seul », disait Orson Welles. Cette phrase fataliste est restée célèbre mais la postérité a oublié que le réalisateur américain avait ajouté : « C’est seulement à travers l’amour et l’amitié que l’on peut créer l’illusion momentanée que nous ne sommes pas seuls. » Voilà qui pourrait résumer le projet d’Emilie Satt et Jean-Karl Lucas, alias Madame Monsieur, dont le troisième album, intitulé Emmêler nos solitudes, sort ce vendredi.

Le duo, qui forme un couple à la ville, a, pour certaines chansons, puisé son inspiration dans l’actualité (Des nouvelles de Tania, au sujet d’une fan ukrainienne dans son pays en guerre) ou au cinéma (Pupille, imaginé après le visionnage du film du même titre), mais la majorité des textes de son nouvel opus, habillés par des orchestrations pop épurées, dévoile une partie de son intimité.

« Cet album, c’est complètement nous »

« Les gens vont nous découvrir autrement. On voulait montrer au public qui on est vraiment. Cette musique correspond davantage à qui on est aujourd’hui, à l’âge qu’on a, à nos aspirations. Cet album, c’est complètement nous », affirme Jean-Karl Lucas à 20 Minutes.

« Cela fait dix ans qu’on parle en « nous », il était temps de parler en « je » », embraye Emilie Satt qui emploie désormais – et c’était inédit jusque-là – la première personne du singulier pour parler d’elle-même dans les textes de ses chansons. « Je sens que j’la déçois, la p’tite fille d’autrefois. Mais je sais pas lui dire quand, comment, pourquoi je l’ai plantée », chante-t-elle ainsi dans Où s’en vont les rêves ?, le morceau d’ouverture. « Qu’est-ce que je pourrais raconter, maintenant que je suis maman et qu’elle est loin l’artiste torturée ? » s’interroge-t-elle dans Etats dames. « Je fais des crises de foi en moi. Tendance parano. Le lendemain j’me compare à Victor Hugo », confesse-t-elle dans Encore heureux.

« Ce qu’elle a écrit là, elle ne l’aurait pas écrit il y a cinq ans, maintenant, elle se l’autorise, fait remarquer Jean-Karl Lucas. Les gens, y compris des membres de notre propre famille, vont apprendre beaucoup de choses sur nous. » Le duo explique que la période post-confinement et son installation dans la campagne de l’Oise ne sont pas étrangères à cet exercice d’introspection profonde. « On s’est retrouvé un peu avec nous-mêmes, déclare Emilie Satt. On avait des choses à dire, on se demandait ce que signifiait être humain, de quelle matière émotionnelle sommes nous fait. Cela s’est traduit en chansons. »

Pas « juste un journal intime »

L’édition collector de l’album s’accompagne d’un livre de 80 pages, réunissant les paroles des chansons, des textes pleins de confidences, ainsi que des photos personnelles. Les deux artistes se racontent. Il est question de leur rencontre, il y a quinze ans, dans le 18e arrondissement de Paris, à La Divette, un bar aujourd’hui fermé mais dont ils ont conservé la table haute témoin de leur toute première discussion. Lui, parle de la bulle hermétique dans laquelle il s’enferme lorsqu’il compose. Elle, confie entre autres ses doutes d’insomnies. Ces lignes très personnelles éclairent les textes des chansons.

« On n’avait jamais pris vraiment le temps de prendre du recul sur ce qu’on a fait ces dernières années, explique Jean-Karl Lucas. La folie de l’Eurovision [en 2018], la médiatisation, la naissance de notre fils… On avait envie de faire pause et de parler de ce qu’on a pu ressentir, de ce qu’on a vécu. Il y a un côté analytique, mais ce ne sont pas des chansons qu’on a faites pour nous. »

« Il ne faut pas que les gens imaginent qu’ils vont juste lire notre journal intime », insiste Emilie Satt. Le livre s’ouvre d’ailleurs par cette phrase : « Et parce que tu es comme moi, tu te reconnaîtras. » « Les gens nous disent que nos chansons les accompagnent dans leurs vies parce qu’ils se retrouvent dans ce qu’on peut dire, relate Jean-Karl Lucas. Ils disent que l’on arrive à formuler les choses de façon positive, simple, sans parement. On n’est pas différents des autres, il nous arrive juste d’être sur le devant de la scène, sinon, on est Madame Monsieur Tout-le-monde. »