France

Comptabilisation des élèves absents pendant l’Aïd, ça ne passe pas

L’information est rendue publique en plein pont de l’Ascension. Des policiers ont demandé aux chefs d’établissements scolaires de Toulouse de leur indiquer le nombre d’élèves absents le jour de l’Aïd al-Fitr. Une requête qui a suscité l’indignation de la communauté éducative, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.

Avant les vacances certains établissements scolaires (écoles, collèges et lycées) ont été destinataires d’un mail émanant des Correspondants Police Sécurité Ecole « Toulouse-Rive Gauche ». Celui-ci faisait part d’une « demande des services de renseignement » de faire remonter « le pourcentage d’absentéisme […] lors de la fête de l’Aïd », a expliqué le syndicat SUD Education 31-65 dans un communiqué envoyé le 16 mai.

Le rectorat affirme ne pas « être associé »

Cette demande a été faite sans l’aval du rectorat de Toulouse : « En aucun cas nous ne menons des enquêtes de la sorte », a déclaré à l’AFP Mostafa Fourar, recteur de l’académie. « Si quelqu’un a pris cette initiative, l’Education nationale n’y est absolument pas associée », a-t-il ajouté. L’Aïd al-Fitr, fête marquant la fin du ramadan pour les musulmans, a eu lieu cette année le 21 avril, veille des vacances scolaires dans l’académie de Toulouse.

« Dès que les chefs d’établissements et directeurs d’écoles nous ont informés de cette requête, consigne a évidemment été donnée de ne pas y répondre », a précisé Mostafa Fourar. « Nous y voyons là une dérive grave, une stigmatisation des élèves musulman-es et une atteinte à leur liberté de conscience. Bien évidemment, nous ne pouvons pas nous insurger sur le fait que cela ne soit pas demandé pour une fête chrétienne car toutes les fêtes chrétiennes sont fériées ! Nous rappelons que la liberté de conscience est une liberté fondamentale au sens juridique du terme, garantie par de nombreux textes fondateurs », développe le syndicat SUD Education 31-65.

Selon une source proche du dossier, « il s’agit d’une maladresse ». « Les services du renseignement territorial sont passés par des policiers référents de l’Education nationale, leur message était mal formulé, mais demander un taux d’absentéisme, ce n’est pas du fichage ni des données nominatives », a souligné cette source.

« Une atteinte à la laïcité »

Ce travail du renseignement territorial s’inscrit dans un contexte de « regain d’atteintes à la laïcité en milieu scolaire » durant la période du ramadan, selon cette même source, avec par exemple « des défis pour les réseaux sociaux pour se filmer avec un voile » ou des refus de participer à des cours de chant et de musique.

Les élèves sont réglementairement soumis à l’obligation d’assiduité, mais des autorisations d’absence peuvent être délivrées aux familles qui en font la demande pour une fête religieuse. « En cas d’absence de leur enfant, les parents doivent sans délai faire connaître au directeur de l’établissement scolaire les motifs de leur absence, mais il ne revient pas aux services de demander s’ils vont être absents, conformément au respect de la confidentialité des croyances », selon le ministère de l’Education nationale.

« On ne comprend pas comment on a pu avoir cette initiative, sans qu’elle ait été discutée nulle part. Cela pose question car manifestement les services de l’Etat n’ont pas parlé à l’Education nationale », a estimé Pierre Priouret, secrétaire général du Snes-FSU Toulouse. « SUD-Education 31-65 va interpeller les Correspondants Police Sécurité Ecole, la préfecture et le rectorat afin de demander des explications quant à cette procédure et afin d’exiger le retrait officiel de cette injonction qui s’apparente à de la dénonciation », a ajouté le syndicat.