France

Bordeaux : « Jamais je ne me serais mis dans ce virage », un habitué des « runs » sauvages raconte sa passion

« J’étais censé y aller ce vendredi-là, mais j’étais fatigué alors j’ai préféré rester à la maison ». Sylvain, passionné de sports mécaniques depuis de nombreuses années, explique qu’il aurait dû se trouver à Bordeaux-Lac le soir où l’accident a eu lieu, en marge de « runs » sauvages, et où 13 personnes ont été blessées. « Depuis le début de l’année, j’ai dû louper seulement trois ou quatre vendredis », explique celui qui se rendait déjà sur ces évènements « avant d’avoir le permis ».

Car, si certains occupaient leur temps libre à taper dans un ballon quand ils étaient enfants, Sylvain préférait déjà largement regarder ce qui se passait sous le capot de la voiture de ses parents. « C’était l’époque tuning, je devais avoir une dizaine d’années, se souvient ce Landais de 24 ans. Quand on est petit, on voit des voitures, des lumières un peu partout alors forcément on s’intéresse. C’est mon parrain qui m’a transmis cette passion. Il faisait des études de mécanique alors, quand je passais des week-ends ou des vacances avec lui… »

Puis sont venus les « runs » et les rassemblements, que Sylvain manque difficilement. « Si certains viennent pour faire les cons, je viens plus pour voir de belles préparations moteurs et esthétiques », confie Sylvain, dont la passion est devenue le métier. « À Bordeaux, c’est un rendez-vous récurrent le vendredi soir, on se retrouve sur ce parking du Conforama et ensuite on nous donne l’adresse pour le run ».

« L’accident n’a pas eu lieu pendant un run »

Il insiste sur le fait que la différence doit être faite entre les runs et les courses comme celle sur laquelle est survenu l’accident. « Pour moi, l’accident n’a pas eu lieu pendant le run. Sur ce parking, on se rejoint tous à partir de 21h30, mais ce n’est que du statique. Ce n’est en aucun cas pendant un run, c’est juste que certains s’amusent à faire les cons. À la limite, il peut y en avoir qui veulent attirer l’attention en faisait un rupteur, mais pour tout ce qui est propulsion, ça ne se passe pas là-bas. »

D’ailleurs, Sylvain avait déjà vu venir les risques d’un accident dans ce virage de la rue du Professeur Darget. « Je l’ai dit à plusieurs personnes : “un jour, il y en a un qui va faire un tout droit “, se souvient le jeune homme. Jamais je ne me serais mis dans ce virage pour regarder, surtout que vendredi dernier, il a plu toute la journée, la chaussée était glissante : tous les facteurs étaient réunis pour qu’il arrive un accident ».

Pas surpris donc, même s’il admet que des accidents peuvent avoir lieu sur des « runs » en ligne droite. « Ça peut arriver, une perte de contrôle par exemple, mais le plus souvent c’est de la casse mécanique plutôt que des blessés, assure celui qui se rend sur ces rassemblements depuis maintenant six ans. Les personnes se trouvent généralement dans des endroits moins risqués que ce virage. »

Un manque criant d’infrastructures

Sylvain regrette surtout de ne plus avoir accès à un circuit pour assouvir sa passion en sécurité et légalement : « En moto, ils ont le circuit de Labarde, nous, on n’a même plus celui de Mérignac ». Ce dernier est fermé depuis l’été dernier. Désormais plus aucune structure n’est capable d’accueillir autant de « runners » dans la métropole. « À un moment, je me souviens qu’ils parlaient d’organiser des runs là-bas en échange d’une rémunération. J’aurais été prêt à payer », lâche le Landais.

« Je dis toujours qu’on met déjà assez de sous dans nos voitures pour refuser de payer pour pratiquer en sécurité. Pour ce prix-là, ce sont des pneus et du gravier qui nous arrêtent en cas de sortie de route ». Et le côté légal n’est pas sans entrer en compte : « À chaque fois que je me rends à un endroit pour faire des runs, je prends le risque de prendre une amende ou me faire retirer ma voiture, je préfère encore payer ».

Lorsqu’il évoque sa passion, Sylvain décrit « un monde de passionnés » et déplore le manque d’installations prêtes à les accueillir. « Chaque sportif a un lieu pour pratiquer, regrette le Landais. Au final, on ne demande pas grand-chose : juste une ligne droite de 800 mètres. Et tant qu’on n’aura pas ça, il y aura des accidents ».