France

#BookTok : « Ceux qui comptent se cultiver avec TikTok sont bien mal partis »

Dans son dernier baromètre, le 12 avril, le Centre national du livre battait le rappel : « Il faut redoubler d’efforts pour redonner l’envie de lire à tous les Français. » Et notamment aux jeunes. Entre 15 et 24 ans, ils seraient 1 sur 5 à affirmer ne jamais ouvrir un bouquin. Les réseaux sociaux, dont ils sont parallèlement les plus gros consommateurs, pourront-ils changer la donne ? « Faisons tomber les frontières d’accès à la lecture », plaide en tout cas le Festival du livre de Paris, qui s’ouvre ce vendredi en déroulant le tapis rouge à TikTok, nouveau partenaire du salon.

Sur les pages du réseau social chinois, de plus en plus d’influenceurs d’un autre genre y distillent leurs conseils lecture. Certains, bien loin de l’image du rat de bibliothèque, cumulent des centaines de milliers d’abonnés et des millions de « J’aime ». Un phénomène qui a un nom et un mot-dièse, #BookTok, et qui ne se dément pas. Mais les lecteurs de 20 Minutes, en très grande majorité, ne semblent pas prêts à tourner la page des « vrais conseillers », ceux qui vendent les livres et « savent en parler », des critiques dans la presse ou du bon vieux bouche à oreille.

« Mes achats » dépendent « d’influenceuses littéraires »

Parmi les réponses à notre appel à témoignages, Justine fait donc figure d’exception. Alors qu’elle aussi « achetait des livres en fonction des promos sur les plateaux télé et en flânant à la librairie », la trentenaire explique s’être tournée vers les réseaux sociaux « depuis quelque temps ». Elle précise : « Ma liste de livres à acheter et mes achats se font en général parce que j’ai vu les critiques » publiées par « pas mal d’influenceuses littéraires » que « je suis » sur Instagram, où la tendance #bookstagram avait fait un bond de 31 % au moment du premier confinement.

Mais dans les faits, Justine est bien loin d’être la seule à s’en remettre aux conseils glanés sur les réseaux. Et les éditeurs se frottent d’ailleurs les mains après certains posts qui font exploser les ventes. « Elles peuvent tout d’un coup être multipliées par dix, confirme Marine Flour, chez Hugo publishing. Aujourd’hui, on n’a plus du tout de doute. Ce sont ces plateformes qui portent ces succès à retardement. On le sait d’autant plus que la vie d’un livre est normalement assez linéaire. En moyenne, il marche pendant le mois suivant sa sortie, puis ça s’effondre. »

« #BookTok est devenu un véritable club de lecture mondial »

Loué serait donc TikTok et consorts, au moins pour les affaires. D’autant plus que les chiffres de ces publications portant sur la littérature continuent d’exploser. De façon exponentielle. En février, la responsable des partenariats culture et éducation du réseau social chinois en France indiquaient que le mot-dièse #BookTok regroupait déjà « plus de 17 millions de vidéos » visionnées « plus de 109 milliards » de fois à travers le monde. Mardi, dans un communiqué, TikTok en revendiquait déjà 15 milliards supplémentaires. En seulement deux mois donc. « Le mot-dièse #BookTok est devenu un véritable club de lecture mondial, ouvert à tous », vante la plateforme, évoquant encore un « phénomène mondial qui bouleverse la littérature ».

Vade retro satana, semblent lui répondre beaucoup d’internautes de 20 Minutes, pas du tout convaincus. « Ceux qui comptent se cultiver avec TikTok sont bien mal partis », tranche l’un d’eux. « La blague du jour, comme si les gens qui passent leur vie sur ce réseau social bouquinent », tacle un autre en réponse à notre appel à témoignages.

« La presse, meilleure critique littéraire »

Clara, elle, estime qu’il n’est « pas la peine de se polluer avec les « réseaux sociaux » ». « Les magazines et la presse en particulier sont les meilleures critiques littéraires, tous genres confondus », assure-t-elle. « TikTok and co ? Sans façon », tranchent aussi Laetitia et Annie. Selon la première, « il y a de très bonnes émissions littéraires, des libraires » qui sont « eux, de vrais conseillers », souffle la seconde.

Elles sont rejointes par JR, qui donne la même recette avec ces mots à lui : « Tu vas dans une bonne librairie, et là tu poses juste des questions aux employés. Tout simplement. » Alors que Cricri préfère aller piocher ses livres à la « médiathèque » ou les « échanger avec des amies », bien décidée à bouder les influenceurs littéraires. Qui, malgré leurs détracteurs, semblent avoir encore beaucoup de bonnes feuilles à partager.