France

Attentat de la rue Copernic : « Je comprends immédiatement qu’une bombe vient d’exploser », témoigne une victime

Corinne Adler le sait bien : son agenda ces prochaines semaines sera particulièrement chargé. Cette sage-femme, à l’emploi du temps déjà bien rempli, envisage en effet de se rendre « tous les jours ou presque » à la cour d’assises spécialement composée. A partir de ce lundi et pour trois semaines, y est jugé Hassan Diab, le principal suspect de l’attentat de la rue Copernic. Le 3 octobre 1980, quatre personnes ont été tuées et une quarantaine d’autres blessées par une bombe posée devant la synagogue. Corinne Adler, alors adolescente, se trouvait à l’intérieur. Pour 20 Minutes, elle se remémore ce jour marqué au fer rouge dans sa mémoire.

Quel souvenir gardez-vous de l’attentat ?

Je me souviens de tout, très précisément. Ce jour-là, je célébrais ma bat-mitzvah, c’est l’équivalent pour les filles de la bar-mitzvah. Nous étions cinq dans ce cas-là, deux filles, trois garçons. D’habitude, nous ne sommes jamais autant mais là, c’était après les fêtes, nous avions été regroupés. C’était un moment très joyeux, l’aboutissement de deux ou trois années de préparation, l’entrée dans la vie adulte. Il y avait mes amies du collège, toute ma famille. Même mes grands-parents avaient fait le déplacement depuis Israël. Au milieu de l’office, nous avons entendu une énorme déflagration. Je me souviens très bien, c’était au moment de la Amidah, une prière assez calme. Puis la verrière s’est effondrée sur nous.

Vous avez compris rapidement ce qui était en train de se passer ?

Je pense que je comprends immédiatement qu’une bombe vient d’exploser. Dans mon esprit de petite fille de 13 ans, je suis persuadée que cette explosion va être suivie d’une fusillade. J’essaye alors de me cacher derrière l’estrade mais finalement il ne se passe rien et je ressors. Le rabbin voulait continuer l’office, il nous disait de nous calmer mais c’était impossible. Je suis un peu égratignée, ma robe est déchirée mais je vais bien. L’autre fille qui était avec moi sur l’estrade a, elle, reçu une pierre sur la tête. Je vais rapidement voir ma famille : personne n’est blessé.

Mon grand-père glisse alors à mon père : « Pour un attentat, j’avais pas besoin de venir en France. »

Quelles conséquences a eues cet attentat dans votre vie ?

C’est difficile à dire. Par exemple, je suis devenue sage-femme, est-ce que c’est parce que j’avais besoin d’être du côté de la vie ? Ce qui est sûr, c’est qu’après cet attentat, j’ai très vite eu besoin de ne pas me laisser abattre et de m’investir dans la communauté. J’ai continué à aller aux offices, j’ai fait partie d’un groupe de jeunes qui faisaient la sécurité de la synagogue. J’ai développé une volonté féroce de lutter contre les injustices et le racisme. Mais cette attaque a laissé des traces : encore aujourd’hui, je ne supporte pas le bruit d’un pétard ou même d’un ballon qui explose. Je ne peux pas sortir dans la rue le 14 juillet, par exemple.

Qu’attendez-vous de ce procès ?

J’attends de comprendre, tout simplement. Cet homme, Hassan Diab, a-t-il une part de responsabilité dans cet attentat ? Si oui, laquelle ? Si ce n’est pas le cas, alors qu’on le laisse tranquille. Au contraire, si c’est le cas, il faut que la justice passe. J’espère qu’on arrivera à se faire une idée. Dans tous les cas, c’est très important qu’il y ait un procès. Parce que même si c’était il y a 42 ans, ça a existé. Quatre personnes sont mortes, des familles et des vies ont été impactées.

Le principal accusé ne sera vraisemblablement pas dans le box. Comment le vivez-vous ?

Au fond, je le comprends. Si j’étais à sa place, je ne suis pas sûre que je viendrais ! Il a été en France entre 2014 et 2018, le procès aurait dû se tenir à ce moment-là, il intervient trop tard, c’est sûr, mais c’est ainsi. J’espère qu’on aura malgré tout des réponses.