France

Affaire Adrien Quatennens : Comment le retour du député du Nord s’est finalement imposé

Les députés et députées insoumises ont décidé de réintégrer Adrien Quatennens à leur groupe : 45 pour, 15 contre et 2 abstentions, sur 73 membres. Le vote a eu lieu à bulletins secrets. Dans un communiqué, le groupe constate que le député du Nord a bien entamé le « stage de responsabilisation » qui lui avait été demandé d’entreprendre quand, en décembre, après sa condamnation pour violences conjugales sur son ex-femme, il avait été exclu pour quatre mois. Les rares élus et élues ayant communiqué avec des journalistes ce mardi à l’Assemblée nationale, s’en sont tenus à la position publique du groupe.

Finalement, ce retour a bien fait l’objet « d’un vrai débat, contradictoire, avec une dizaine de prises de paroles », affirme le député Hadrien Clouet et d’un vote. Depuis plusieurs semaines chez LFI il y avait ceux et celles qui considéraient sur un air entendu que le retour devait être automatique, sans débat ni vote. Et les autres, qui voulaient au contraire que la question soit remise effectivement sur la table. La semaine dernière, le bureau du groupe LFI a missionné quatre députés et députées, « de toutes les sensibilités au sujet de l’affaire », pour instruire le dossier. Adrien Quatennens a notamment été auditionné par ces quatre personnes pendant le week-end de Pâques et en a fait le compte rendu au groupe avant qu’il ne se prononce.

Une unité quasiment retrouvée

Ce résultat, très large, n’a rien d’une surprise. On constate depuis des semaines que les opposantes et opposants au retour du député du Nord étaient cornérisés et très discrets : « Il y a encore des gens farouchement opposés à son retour, mais on les compte sur les doigts d’une main », disait très sûre d’elle, une proche de la direction du mouvement la semaine dernière. En fait, il en aurait fallu trois, des mains. Surtout, quand on discute de l’affaire avec des députés et députées insoumises, on remarque que le discours est désormais bien rodé. On est loin des débuts de l’affaire : « On a eu une mauvaise réponse au début, et après ça s’est emballé », reconnaît un député d’arrière-banc. « Le temps médiatique nous demande de réagir vite, mais le faire vite ce n’est pas réagir bien », excuse Ugo Bernalicis, député de Lille, voisin de circonscription d’Adrien Quatennens.

Le principal élément de langage des défenseurs d’Adrien Quatennens tourne autour de refus d’une « double peine » et d’un droit à la réhabilitation. Sauf qu’il y a tous les jours des personnes condamnées devant un tribunal qui ont déjà parfois fait l’objet de sanction dans leur entreprise, leur association, leur club… Ou, en l’occurrence leur parti. « Eh bien justement, la sanction, on l’a déjà donnée en décembre », insiste une députée francilienne. « Je ne veux pas qu’on soit condamné deux fois pour les mêmes faits », ajoutait Ugo Bernalicis, avant le débat sur la réintégration.

Les interviews n’ont pas changé la donne

Mais est-ce vraiment les mêmes faits ? Au lendemain de sa condamnation par un tribunal et de la sanction par le groupe LFI, Adrien Quatennens s’est exprimé sur l’affaire dans deux interviews, à La Voix du Nord et sur BFMTV. Deux interviews dans lesquelles le député a déroulé un très classique argumentaire de défense antiféministe pour répondre à des accusations de violences conjugales. Un positionnement en contradiction totale avec les valeurs féministes affichées par le mouvement auquel il appartient, et beaucoup – mais pas tous – s’en sont émus. Ça n’a néanmoins pas suffi à changer la donne.

Car si on ne trouve personne pour juger qu’il était bien vu de donner de telles interviews, nombreuses et nombreux sont ceux qui lui trouvent des circonstances atténuantes. « Il avait besoin de s’exprimer, moi j’ai vu un homme brisé devant toute cette pression médiatique », déplore une députée francilienne déjà citée. « Il a voulu raconter son histoire. Il ne faisait pas des propositions politiques », estimait Ugo Bernalicis la semaine dernière, où il plaidait pour un « droit à l’erreur » : « Si on l’exclut pour ça, il faut faire le procès de tous ceux qui font des offs qui ne sont pas dans la ligne. »

Page à tourner

Dans son communiqué, le groupe LFI explique quand même que lors de son audition, Adrien Quatennens « a affirmé regretter » ces interviews : « Il reconnaît que certains de ses propos ont eu pour effet, sans qu’il n’en ait eu l’intention, de relativiser la gravité des faits et d’inverser la culpabilité entre l’auteur et la victime de violence. » Un proche du député lillois affirme qu’il « n’est plus à la même étape » depuis décembre. « Sur le plan politique il fait le travail de compréhension, de réflexion sur l’impact et le sens politique que ça prend. Je pense qu’aujourd’hui il ne dirait pas les choses de la même manière. » Sans honte, une source pense même qu’au bout de ce chemin, Adrien Quatennens pourrait même être un bon porte-parole de la cause féministe. Le communiqué du groupe le dit qu’une autre manière : « Adrien Quatennens s’est engagé à poursuivre le travail (…) pour être en mesure de contribuer utilement à la lutte contre les violences faites aux femmes. »

Au fond, ces considérations ne sont pas grand-chose devant l’envie visiblement largement partagée des députés et députées insoumises de tout simplement « passer à autre chose ». « C’est vrai que les débats se sont dépassionnés », reconnaît un élu d’arrière-banc déjà cité, « j’ai senti une volonté de tourner la page », décrit encore un autre. Malgré les indignations et les beaux discours sur le sujet, ainsi que les prises de parole de Céline Quatennens, l’acculturation féministe des politiques, y compris à gauche, semble très faible. C’est donc le plan de la direction de la France insoumise qui s’est déroulé comme prévu : ça devait « se tasser », et ça s’est effectivement, « tassé ».