Belgique

Vingt-cinq accusés dans un trafic de drogue géant, aucun coupable : “Si les gens venaient chez vous, c’est juste que vous aviez la tête d’un dealer ?”

Un casier déjà rempli

Ainsi, celui qui est présenté comme le chef de la bande, appelons-le Rasim, la soixantaine et officiellement vendeur de voitures dans la banlieue anversoise, établi en Belgique depuis belle lurette mais incapable de se passer des services d’un interprète macédonien, nie toute activité criminelle. Il n’a jamais entendu parler de drogue, ni touché à quoi que ce soit, et ne se prive pas de le dire en criant à l’interprète, à tel point que la présidente demande à ce dernier d’expliquer à l’accusé que ça ne sert à rien de s’énerver. Le hic, c’est que son casier judiciaire n’est plus vierge, puisqu’il a déjà été condamné à 18 mois pour des faits semblables. Difficile de croire qu’il est soudain devenu un enfant de chœur. Encore moins si l’on considère qu’à côté de lui, sur le banc des accusés, figurent ses deux fils. L’un avoue 30 ans mais on lui en donnerait volontiers 15 de plus. L’autre est le plus jeune de la bande et porte un autre patronyme, mais on ne lui donnerait pas non plus le Bon Dieu sans confession. En outre, sa défense ne brille pas par sa crédibilité. Il prétend ne jamais être venu en Wallonie mais avoir vendu un peu de cannabis “à une seule personne, à Anvers, mais c’est les autres qui venaient vers moi”. La présidente, goguenarde, lui demande : “Alors si les gens venaient chez vous, c’est juste que vous aviez la tête d’un dealer ?”.

Le bilan de l’enquête est pourtant éloquent : 18 perquisitions qui ont permis 25 interpellations, cinq saisies de véhicules, plusieurs kilos de cannabis et d’autres stups en moindre quantité (quoique, chez l’un d’entre eux, 567 grammes de coke, ce n’est pas banal), une arme de poing, 90 000 euros en liquide… Cinq véhicules contenant de la drogue ont également été saisis. Mais bien sûr, personne ne savait rien, et si la drogue est arrivée là c’est que les quatre voitures et une caravane avaient hébergé des visiteurs qui étaient en manque. Le hasard fait bien les choses, dirait-on.

Simplement pour usage personnel

Le ballet des interprètes se poursuit, en macédonien, en néerlandais, et même en bulgare. Le frère du chef de bande présumé avoue avoir détenu de la drogue mais uniquement pour son usage personnel. “Je veux bien être condamné pour ce que j’ai fait, mais pas pour ce que je n’ai pas fait”, lance-t-il à la présidente. Qui prend la balle au bond d’une belle reprise de volée : “Mais qu’avez-vous fait alors ? ” Se rendant compte qu’il s’aventure en terrain marécageux, l’accusé s’en tire par une pirouette : “Je n’ai pas de commentaire à faire, mais vous en tirerez vos conclusions”. On est d’avis que la présidente a pensé tout bas : “Ah oui, je ne vais pas me gêner”. La palme des bonnes excuses revient à un prévenu que nous appellerons Ahmad : “La police s’est trompée. Elle dit avoir trouvé 11 billes d’héroïne, mais en réalité c’était du Viagra”. Décidément, la police prend des vessies pour des lanternes avec une grande facilité. Et que dire alors de la méprise qui est arrivée au frère du chef. “Police beaucoup trompée dans cette affaire”, commente-t-il. Certes, il a signé sa déposition, mais met cela sur le compte de la fatigue après un long interrogatoire.

Il est déjà midi et ce sera tout pour aujourd’hui. Suite le 25 mai avec le réquisitoire du ministère public et 14 plaidoiries d’avocat pour un nouveau marathon.