Belgique

Sophie Rohonyi (Défi) : “Sarah Schlitz, la victime du patriarcat ? Je ne peux pas suivre ce raisonnement”

Très clairement, être une femme en politique reste difficile. Mais dire que Sarah Schlitz est la victime du patriarcat, je ne peux pas suivre ce raisonnement. Pour moi, le féminisme, et donc le fait de mettre à mal le patriarcat, c’est faire en sorte que les hommes et les femmes politiques soient mis sur un pied d’égalité : les mêmes droits mais aussi les mêmes devoirs. La N-VA a profité de ses erreurs pour faire une chasse aux sorcières mais, sur le fond, des actes graves ont été commis et ont provoqué une démission. Il faut toutefois saluer le pas de côté de Sarah Schlitz. D’autres ne l’auraient pas fait pour des raisons d’ego, de fierté, etc.

Le portrait de Sarah Schlitz, emportée par « la polémique de trop ».

À qui pensez-vous ?

Je pense à Nicole de Moor (la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, CD&V). Elle aussi est une femme, mais elle refuse de faire un pas de côté alors que sa gestion de l’asile est catastrophique et que des vies sont en jeu. Malgré la situation humanitaire et les appels à l’aide lancés, rien ou presque n’a été fait. Son inertie est coupable.

Pour revenir à Sarah Schlitz, a-t-elle menti comme le dit la N-VA ?

Elle a accumulé les erreurs. La première interpelle : avoir conditionné l’octroi de subsides publics à des associations en contrepartie de l’apposition de son logo personnel… Toute personne qui travaille dans un cabinet ministériel est censée savoir que ce n’est pas éthique. Quand la N-VA a réclamé immédiatement sa démission, chez Défi, on estimait que c’était prématuré. On voulait en savoir plus et un sursis lui avait été accordé au parlement. On voulait l’entendre. Pendant cette période, elle devait faire profil bas ou s’expliquer avec clarté et précision Or, c’est tout l’inverse qui s’est produit. Son cabinet s’est lancé dans une surenchère qui visait à victimiser Sarah Schlitz. Elle a fini par perdre la confiance de ses partenaires au sein de la Vivaldi.

guillement

Son cabinet s’est lancé dans une surenchère qui visait à victimiser Sarah Schlitz.« 

Écolo doit-il renoncer à remplacer Sarah Schlitz comme le député nationaliste Sander Loones le réclame ? On économiserait un salaire de secrétaire d’État… Et ce serait un gage de bonne gouvernance donné par Écolo.

On ne suit pas du tout la N-VA. Défi insiste pour que l’on nomme au plus vite un successeur, et idéalement une successeure, au poste de secrétaire d’État à l’Égalité des chances. C’est une matière fondamentale, en particulier dans la société actuelle qui est de plus en plus fracturée et où la parole sexiste, raciste, se libère sans complexe. C’est important d’avoir quelqu’un qui soit là pour poursuivre le travail de Madame Schlitz, dont le bilan est très bon. Énormément de choses ont été faites. Mais énormément de choses doivent aboutir avant la fin de la législature. Je pense au plan de lutte contre le racisme, par exemple, ou encore au plan de lutte contre les féminicides.

Le portrait de Sander Loones, le député N-VA qui a eu la tête de Sarah Schlitz.

Sandrine Rousseau, écologiste française et féministe radicale, a dénoncé sur Twitter la démission de Sarah Schlitz en parlant de forces “réactionnaires”, de “femme à abattre”…

Sarah Schlitz a été la cible de personnes qui ne se retrouvaient pas dans sa politique. Plus on est progressiste, féministe, plus on dérange les réactionnaires. C’est un fait. Mais toutes les personnes qui ont reproché ses erreurs à Sarah Schlitz ne sont pas des réactionnaires. Quand on est féministe, il faut assumer comme un homme, être responsable comme un homme. Refuser cela en se victimisant et en pointant du doigt toute personne qui va dans le sens inverse, c’est même dangereux. On ne peut pas faire constamment porter le chapeau au sexisme pour se dédouaner de ses responsabilités.

guillement

On ne peut pas faire constamment porter le chapeau au sexisme pour se dédouaner de ses responsabilités. »

Après l’affaire Schlitz et le logogate, les verts vont-ils le payer s aux élections ?

La classe politique connaît une nouvelle séquence difficile, de plus grande ampleur que l’affaire Schlitz. Les députés se sont octroyé des dépassements du plafond de pension. Y a-t-il problème de probité chez les élus ?

Ce système dont vous parlez est hérité du passé. Ce n’est pas ma génération qui l’a mis en place. La grande majorité des jeunes qui s’engagent en politique le font car ils sont dégoûtés de ce système où l’on s’octroie des privilèges. Mais pour pouvoir attirer des jeunes et des personnes qui ont des convictions politiques, il faut les rémunérer correctement afin de les protéger du poids des lobbies, afin de les convaincre de quitter le secteur privé ; et aussi car la politique est exigeante, ingrate et impose des sacrifices. Mais chez Défi, on veut mettre fin aux privilèges.

Par exemple ?

Les indemnités de sortie des députés, cela ne peut pas se justifier sauf si on ne retrouve pas un travail après le mandat. Les députés n’ont en effet pas droit au chômage. L’indemnité forfaitaire de 2 500 euros qui n’est pas fiscalisée, ça ne va pas non plus : il faut la soumettre à l’impôt. On n’a aucun tabou non plus sur une réduction des rémunérations des politiques. Il faut éviter qu’ils soient déconnectés de la réalité. Pour les pensions, leur calcul et leur contrôle sont confiés à des ASBL composées de… députés. Les contrôleurs sont les contrôlés ! Cela renforce l’image de la politique qui reste dans l’entre-soi et qui n’a de comptes à rendre à personne.

Faut-il confier ces questions à un conseil indépendant composé d’experts, de citoyens, mais aussi de politiques, comme l’Open VLD notamment l’a proposé ?

Défi n’est pas du tout réfractaire à une telle idée parce que les meilleures mesures seront celles auxquelles les citoyens et les politiques adhèrent. Arriver à consensus à ce niveau-là renforcera la démocratie.