Belgique

Qu’est-ce que la ‘Ndrangheta calabraise, cette mafia au cœur d’une vaste opération ?

La ‘Ndrangheta contrôle la majeure partie du flux de cocaïne qui entre en Europe. Ce réseau d’environ 150 familles compte au moins 6 000 membres et affiliés en Calabre et des milliers d’autres dans le monde. Elle opère de façon très fluide et sans structure de contrôle central. Elle est considérée comme la plus dangereuse, la plus étendue et la plus riche structure de crime organisé au monde. Pour la cocaïne, la ‘Ndrangheta opère “en partenariat” avec le cartel colombien “Clan del Golfo” et un groupe albanophone actif en Équateur et en Europe.

Le dossier limbourgeois a rapidement grandi. En 2019, des liens ont été établis avec des mafieux établis dans le village calabrais de San Luca, considéré comme son berceau. En juillet 2021, une équipe commune d’enquête a été constituée avec l’Italie. L’enquête avait été enrichie grâce au démantèlement de Sky ECC, système de cryptophones permettant des échanges que les criminels pensaient entièrement sécurisés.

On a alors pu viser le coeur de l’organisation, notamment à San Luca où la police italienne a déployé des moyens inédits pour intercepter des boss de la ‘Ndrangheta.

Plus de 2 700 policiers ont été mobilisés pour ce méga coup de filet lancé mercredi à l’aube, dont 1 400 pour l’Italie, un millier pour l’Allemagne et 150 en Belgique. Un total de 150 perquisitions ont été menées dans huit pays européens. Près de 150 personnes ont été arrêtées.

Dans le Limbourg, 25 lieux ont été perquisitionnés : à Genk, Maasmechelen, Hasselt, Bilzen et Pelt. Treize personnes ont été interpellées. Six d’entre elles faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt européen délivré par l’Italie. Pour les sept autres, un juge d’instruction de Tongres décidera de leur comparution devant lui avant d’être éventuellement placés sous mandat d’arrêt.

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Encore et toujours les Aquino

Parmi les personnes réclamées par l’Italie, figure Lucio Aquino. Le “clan Aquino” a défrayé la chronique lorsque l’un des six frères Aquino a été abattu sur une route limbourgeoise en 2015. Le nom de Lucio Aquino, déjà condamné en 1996 pour trafic de stupéfiants, revient régulièrement à la une. En 2020, il avait encore été intercepté et placé sous mandat d’arrêt dans le dossier “Costa”, consécutif à l’interception de 2,8 tonnes de cocaïne entre le port d’Anvers et un entrepôt de Maasmechelen.

Les personnes interpellées mercredi sont suspectées de participation à plusieurs transports de cocaïne entre l’Amérique du Sud et l’Europe et le blanchiment du produit de ces transports par l’intermédiaire de diverses entreprises légales. Il y eut aussi des “laveries” de cocaïne, soit l’extraction de cocaïne des objets – comme des tissus – où elle était mêlée.

Une forte présence de la ‘Ndrangheta est attestée dans le Limbourg alors que Cosa Nostra, la mafia sicilienne est plutôt implantée en région liégeoise et dans le Hainaut. M. Vermeiren y voit trois facteurs explicatifs : proximité du port d’Anvers par où transite la cocaïne, importante communauté italienne et position stratégique près des Pays-Bas, point névralgique pour la distribution de cocaïne et près de l’Allemagne où la ‘Ndrangheta est bien implantée.