Belgique

Le PS, machine à coloniser la fonction publique ? « La charte de Quaregnon, en 1894, dit déjà qu’il faut prendre possession de l’appareil de l’État »

”Il y a au PS un accompagnement des personnes qui postulent à des hautes fonctions pour continuer à lotir l’administration et les entreprises publiques. Il y a la culture mais aussi les moyens humains et financiers pour le faire”, pointe un ancien ténor écolo.

Ce propos, en substance, a encore récemment été formulé par la ministre Petra De Sutter (Groen), dans l’affaire Bpost.

Cette prépondérance socialiste sur l’administration et les entreprises publiques est historique.

”L’IEV (institut d’études du PS) prépare des gens de haut niveau, qui vont être nos spécialistes”, souligne Jean-Claude Van Cauwenberghe, ancien ministre-président wallon. “Cest dans nos cabinets qu’on trouve les meilleurs experts. Par le passé, c’était surtout au CVP et au PSC. Mais cela a changé avec la régionalisation. Aujourd’hui, comme nous avons été longtemps au pouvoir partout, on a des gens formés et placés à tous les niveaux. Le parcours classique, ce sont des jeunes qui se retrouvent dans les cabinets après un stage à l’IEV, puis progressent dans l’administration. Ce parcours est très exigeant. Tous mes chefs de cabinet sont par exemple devenus hauts responsables dans l’administration”.

Mais comment, concrètement, s’organise cette forte présence, au-delà des fantasmes que véhiculent les concurrents ?

Les autres partis nous voient toujours comme une sorte de machine de guerre”, sourit un collaborateur socialiste de haut niveau. “Simplement, au PS, quand on se prépare pour un poste dans l’administration, on le fait sérieusement car on croit à la fonction publique. La charte de Quaregnon (déclaration adoptée par le Parti ouvrier belge en 1894) dit déjà qu’il faut prendre la possession de l’appareil de l’État.

Comment les partis influencent la désignation des hauts fonctionnaires

Il n’existe par contre pas, selon les personnes interrogées, de formation institutionnalisée pour remporter les concours. “Mais parfois, on donne des séances d’information. Les gens qui ont passé le concours, assez exigeant, de l’école d’administration, peuvent expliquer aux autres le type d’examen auquel ils seront confrontés, avec des exemples de questionnaires d’autres années. Ils présentent un digest des bouquins à lire. On te formate aux exigences de l’assèchement. Il n’y a pas de système vraiment organisé, mais quand une personne émet l’idée de passer l’examen, on la conseille, on lui suggère des personnes, on l’oriente. Classiquement, chez nous, les gens sont abonnés au Selor. Ils reçoivent un mail dès qu’un poste se libère”, poursuit cette source socialiste.

”Chercher l’imprimatur auprès de l’IEV”

”Il y a des discussions pour ne pas multiplier les candidatures d’un de nos candidats contre un autre. Des gens vont en quelque sorte chercher l’imprimatur auprès de l’IEV. On peut aussi les briefer sur ce que souhaite entendre un jury. Plus qu’un formatage, c’est une entraide”, analyse Eric Mercenier, porte-parole de Rudi Vervoort (PS), ministre-président bruxellois. “Notre forte présence dans l’administration est en premier lieu au nombre de candidats, car nous sommes un parti de masse. Mais récemment, on a plutôt été les Poulidor, car nous sommes loin de l’avoir emporté chaque fois. »

La nécessité de politisation de l’administration n’est plus, selon Eric Mercenier, un impératif absolu pour le PS.

Ce n’est pas un secret que l’administration a été politisée faute de rouages efficaces. Il fallait pouvoir donner des mots d’ordre. Aujourd’hui, cela a changé. Nous voyons arriver des gens qui ont réussi des concours et qui, souvent, sont bons. Tant qu’on peut avoir des relais sains, qui sont à l’écoute des cabinets, nous n’avons pas besoin qu’ils soient socialistes.