Belgique

Humiliations, dénigrement, cris, punitions excessives : les violences physiques et psychiques bientôt interdites à l’école par décret

À ce jour, vingt-trois États membres de l’Union européenne ont adopté des cadres normatifs visant à interdire expressément les châtiments corporels et toute autre forme de traitements dégradants à l’égard des enfants. La Belgique n’en fait pas partie.

Chez nous, aucun texte n’a encore été adopté pour se conformer aux instruments juridiques internationaux comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. L’État belge a d’ailleurs été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, notamment par le Comité des droits de l’enfant et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, sans résultat.

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On ne parle pas de ce qui se passe dans les familles

De son côté, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé d’agir. Il vient de déposer un projet de décret “relatif à l’interdiction des violences à l’égard des enfants dans les structures autorisées, agréées, subventionnées ou organisées par la Communauté française”. On ne parle donc pas ici de ce qui se passe dans les familles (qui relève de la compétence de l’autorité fédérale en matière de droit civil), mais bien dans les secteurs dont la Fédération a la tutelle, à savoir l’enseignement, l’accueil de la petite enfance, l’accueil temps libre, la jeunesse, l’aide à la jeunesse, les sports et la culture. Le texte sera prochainement examiné en commission.

Bien sûr, le Code pénal condamne déjà les coups et blessures volontaires. Toute une série de dispositions y sont prévues qui tiennent compte de l’âge de la victime. Le fait de commettre un acte violent sur un mineur en ayant autorité sur lui est ainsi considéré comme une circonstance aggravante.

Mais le texte dépasse le cadre de ces seules agressions corporelles. Il vise à interdire toutes les formes de violences, physiques ou psychiques à l’égard des enfants, en ce compris ce qu’on appelle les violences éducatives ordinaires. Concrètement, il s’agit de l’ensemble des violences physiques, psychologiques ou verbales exercées comme moyen éducatif sur un enfant, visant à corriger certains comportements ou à punir.

“Les enfants sont des êtres en construction, vulnérables, dépendants, qui ont besoin d’être protégés contre toute forme de violence pouvant être commise dans diverses institutions, lit-on. Frapper, humilier ou crier sur un enfant, même dans un but éducatif, sont des formes de violence.”

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Éviter toute remarque, au cas où ?

Prenons le cas de l’école. Les formes concrètes de violence peuvent y être multiples. “Oui, cela existe, assure Véronique De Thier de la Fapeo (la fédération des associations de parents de l’enseignement officiel). Même si on n’en parle pas beaucoup.” Quelques exemples : ramener un petit dans le rang en le tirant par le col, priver de dessert ou de récréation, déchirer un devoir, jeter un téléphone, tirer les oreilles, mettre au coin, menacer, donner un surnom dévalorisant ou, encore, traiter d’idiot ou de cas désespéré.

Chacun de ces actes sont-ils systématiquement violents ? En forçant un peu le trait, toute remarque doit-elle être évitée, au cas où ? “L’interdiction des violences à l’égard des enfants ne signifie en rien la fin de l’éducation des enfants, qui est également un droit, précise encore le texte. Les enfants ont besoin d’être encadrés par des règles, des interdits et une éducation respectueuse les aidant à se construire. En ce sens, laxisme et négligence peuvent d’ailleurs également constituer des formes de violence affectant le développement des enfants.”

On perçoit bien combien éviter tout ce qui pourrait être perçu comme violent tout en faisant respecter des règles strictes peut s’avérer difficile. C’est pourquoi le projet de décret prévoit également d’accompagner et de sensibiliser les professionnels à l’éducation positive. Reste aussi à préciser ce qui se passera face à un cas de violence une fois le texte voté.

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