Belgique

Distribution de journaux : le gouvernement envisage sérieusement de supprimer la concession presse, le PS veut la remplacer par une déduction fiscale

L’inquiétude des éditeurs

Le contrat actuel, qui lie l’État et bpost, pourrait en effet prendre fin. Un rapport du SPF Économie avait mis en avant deux concurrents qui pourraient assurer le service ces quatre prochaines années : PPP et Proximy.

Cette recommandation, si elle était suivie par le gouvernement fédéral, pourrait coûter des centaines, voire des milliers d’emplois à bpost.

Ce choix provoque également une vive inquiétude du côté des éditeurs de presse, qui s’inquiètent de la mauvaise qualité du service de PPP, qui arrive en tête pour la distribution de journaux.

Distribution de journaux sans bpost: les éditeurs craignent le « chaos »

Ces questions ont été abordées ce mercredi matin lors des réunions intercabinets, puis lors du Kern.

PPP pourrait être mis hors-jeu en tant que distributeur

Des inquiétudes ont été évoquées au sujet de PPP, dont la situation juridique a été jugée incertaine par plusieurs membres du Kern. Les craintes pour la qualité du service de PPP, évoquées par les éditeurs francophones, ont également été mises sur la table.

Le choix de PPP, clairement, ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement.

La vice-Première ministre Petra De Sutter (Groen), compétente pour bpost, avait dit ne pas être favorable à la suppression de la concession pour la distribution des journaux et magazines. “Ma première préoccupation concerne les éventuelles conséquences pour l’entreprise”, a déclaré Petra De Sutter sur Radio 1, avant le Kern de ce mercredi. “Cette concession revêt une importante sociétale”, a-t-elle ajouté.

La distribution de journaux, le nouveau dossier qui divise la Vivaldi : pour le MR, bpost n’est pas incontournable, le PS embarrassé

Le gouvernement fédéral semble sérieusement envisager d’écarter PPP en tant que distributeur, même si aucune décision n’a encore été formellement prise.

Le PS, de son côté, est mal à l’aise. Les socialistes, manifestement, auraient préféré voir bpost emporter le marché. Pierre-Yves Dermagne peut toutefois difficilement désavouer l’analyse réalisée par son administration, via le SPF Économie… Quant au MR, il souhaite que le résultat de l’appel d’offres soit suivi et que PP remporte la mise.

88 millions d’euros non demandés

Un nouvel élément budgétaire a toutefois été mis sur la table. Octroyer la concession à PPP impliquerait un surcoût conséquent de 88 millions d’euros, en plus des 125 millions annuels prévus pour PPP, assurent certaines sources. Un changement de distributeur impliquerait en effet une période de phasage de 6 mois, durant laquelle bpost continuerait à distribuer les journaux. Or, ces crédits n’ont pas été prévus au budget de l’État fédéral, car pas demandés…

Un quasi accord pour supprimer la concession

Alexia Bertrand (Open VLD), Secrétaire d’État au Budget, a fait clairement savoir au Kern son refus d’assumer cette charge budgétaire supplémentaire alors que les finances publiques sont déjà dans le rouge. Face à cet état de fait, l’Open VLD a remis sur la table la proposition d’une suppression pure et simple de la concession. Le sujet fait l’objet d’un « quasi-accord », nous dit-on à plusieurs sources.

Que se passerait-il, dans un tel cas de figure ? Après un délai de 6 mois de transition, la distribution des journaux par bpost s’arrêterait. Les éditeurs de presse auraient à négocier eux-mêmes et directement avec les distributeurs, afin de faire livrer leurs journaux et magazines aux abonnés. « Les éditeurs pourront alors négocier avec bpost qui offrira alors des prix concurrentiels« , glisse une source gouvernementale.

Une telle suppression de la concession mettrait les éditeurs en profonde difficulté. Cette mission historique, actuellement dévolue à bpost, constitue en effet une aide indirecte à la presse. Cela pose la question des modalités éventuelles de compensation. Celles-ci ne font pas consensus au sein du gouvernement.

Le PS veut une aide fiscale en compensation

Le PS s’est opposé à la suppression de ce soutien. “Alors que la démocratie traverse une période difficile, ce n’est pas une bonne idée que de rendre la presse moins accessible pour le citoyen”, assure une source socialiste.

Pierre-Yves Dermagne a formulé une contre-proposition : garder le budget de la concession, mais pour le donner en direct comme soutien fiscal à tous les citoyens qui prendraient un abonnement à la presse écrite. Les 125 millions d’euros actuellement consacrés à la distribution de journaux seraient ainsi octroyés à titre de déductions fiscales aux personnes qui s’abonnent à la presse écrite. “L’éditeur déclarerait au fisc, comme pour les titres services, qui a eu droit à l’abonnement et cela serait déduit”, nous précise un socialiste.

Distribution des journaux: « La concession revêt une importance sociétale », pour Petra De Sutter

La proposition est sur la table bien que certains, au sein du gouvernement, la juge “pas encore très mûre” , tandis que d’autres estiment qu’elle “créerait une discrimination par rapport à ceux qui disposent d’un abonnement digital.”

La question de l’aide à la presse ne règle par ailleurs pas celle des emplois chez bpost.

Dans un communiqué diffusé ce mercredi, bpost a dit déplorer vivement le déroulement de l’appel d’offres, s’inquiétant des “fuites à répétition dans la presse”, et de l’“impact (qu’elles) auront sur la bonne poursuite de l’appel d’offres.” L’entreprise dit avoir fixé “un prix réaliste, compte tenu du fait que bpost dispose d’un réseau national de collaborateurs, qui ont un contrat fixe, qui sont payés correctement et qui ont des perspectives professionnelles au sein de l’organisation.”

PPP, l’opérateur qui est arrivé en tête de l’appel d’offres (83,9 millions d’euros de subsides annuels), a remis quant à lui une offre quasi deux fois moins chère que ses concurrents, selon la décision motivée du SPF Économie dont le journal L’Echo a pu prendre connaissance.