Belgique

Croquis de justice : chômage et massage ne font pas toujours bon ménage

L’audience peut reprendre, avec une affaire qui oppose l’Onem à Estelle (prénom d’emprunt). Son avocate, plutôt jeune, résume son cas : Estelle conteste une décision de l’Onem qui l’a exclue du bénéfice des allocations. En 2016, alors qu’elle est au chômage complet, Estelle se lance dans une activité accessoire de massage et bien-être en tant qu’indépendante complémentaire. Une activité qu’elle pratique, plaide son avocate, soit avant 7 h 00 du matin, soit après 18 h 00, soit le week-end. À peine quelques massages par semaine. Cette activité est autorisée par l’Onem, ajoute le conseil d’Estelle. Puis, à l’arrivée du Covid, Estelle y met un terme. Estelle, assise derrière son avocate, toute de vert vêtue, lunette sur le nez et petit sourire aux lèvres, acquiesce. L’avocate conclut en demandant l’annulation de l’exclusion ainsi que de la sanction qui a suivi, puisque l’Onem avait donné son autorisation à cette activité accessoire.

Agenda falsifié

L’avocate de l’Onem n’a pas la même lecture du dossier. “Les horaires de Madame n’étaient pas compatibles avec le chômage (le demandeur d’emploi doit être libre en journée pour sa recherche d’emploi, NdlR). Sur son site web, il était possible de réserver un massage de 11 h 00 à 17 h 30, plusieurs jours par semaine. Elle a travaillé sur deux sites différents. Elle a publié beaucoup d’informations sur Facebook, et même des photos de voyages à l’étranger qu’elle n’avait pas signalés à l’Onem, alors qu’elle doit le faire”, lâche l’avocate en direction d’Estelle, l’air de dire : faut faire attention à ce qu’on poste sur les réseaux sociaux.

Plus grave, reprend celle qui défend les intérêts de l’Onem, Estelle a falsifié son agenda pour que l’activité rentre dans les balises fixées par l’Onem. “Lors de son audition, elle l’a reconnu. Bref, son activité n’était plus accessoire.”

La juge demande à Estelle si elle veut ajouter quelque chose mais celle-ci garde le silence.

Des revenus multipliés par quatre

Intervient alors l’auditorat du travail, qui livre son analyse de la situation. “Je suis d’accord avec la décision de l’Onem, indique d’emblée celle qui représente le ministère public, sauf pour la sanction car Madame a déjà été sanctionnée pénalement pour ces faits. Elle a fait une médiation pénale et a réalisé des travaux d’intérêt général.” Pour ce qui est de l’exclusion du chômage, par contre, l’auditorat partage l’avis de l’Onem. Elle rappelle que l’enquête a montré que l’activité d’Estelle était plus importante qu’une activité accessoire. La masseuse l’exerçait d’ailleurs en partie dans un espace de coworking qu’elle a créé et où travaillait en journée. Puis elle a ouvert un centre de bien-être ailleurs, pour lequel elle a cherché une associée. Et puis elle a falsifié son agenda.

Le dossier d’Estelle apparaît bien chargé. L’auditorat revient à la charge : en trois ans, les revenus d’Estelle ont quadruplé, “ce n’est pas possible en travaillant seulement le soir”. “Et après, elle vient dire qu’elle était de bonne foi, alors que l’Onem avait précisé ce qu’elle pouvait faire ou pas…” En conclusion, l’auditorat appuie la décision prise par l’Onem car l’activité était plus qu’accessoire et les horaires prévus, largement dépassés.

Estelle ne sait pas quoi ajouter pour sa défense, si ce n’est qu’avec le Covid, son activité de bien-être s’est malheureusement arrêtée. Son avocate n’a plus rien à demander non plus, si ce n’est, à titre subsidiaire, un étalement du remboursement des allocations de chômage indûment perçues. Estelle sera bientôt fixée.