Belgique

Chez Nous a l’exclusivité de l’usage en Belgique de la flamme tricolore du FN : “Cela renvoie ce parti aux anciens démons de l’extrême droite”

”La flamme tricolore est une référence directe au Front national de Jean-Marie Le Pen, rappelle Benjamin Biard, politologue au Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques) et spécialiste de l’extrême droite. La flamme du FN français était elle-même inspirée de celle du MSI (Movimento Sociale Italiano, formation italienne néofasciste) qui est l’ancêtre de l’actuel parti de Giorgia Meloni.

Logos du FN figurant sur le site web de Chez nous
Logos du FN figurant sur le site web de Chez nous ©D.R.

Comment comprendre la stratégie de Chez Nous, qui consiste à se placer à ce point dans le sillage du RN ?

Plusieurs partis auraient voulu avoir ce genre de parrainage. Mais Chez Nous l’a obtenu et cela se matérialise notamment par cette convention. Il n’y a pas de financement de Chez Nous par le RN, selon diverses sources. Le soutien est symbolique avec cet octroi du droit à utiliser le sigle et le logo du Front national historique. Cela renforce les liens. Mais il n’empêche que c’est paradoxal. D’un côté, cette stratégie de Chez Nous permet au parti d’être davantage assimilé au RN qui est en vogue, qui a pignon sur rue y compris du côté belge francophone. D’un autre côté, cela renvoie ce petit parti aux anciens démons de l’extrême droite belge francophone, ce qui n’est pas nécessairement porteur pour une formation qui veut se présenter comme respectable.

Le Vlaams Belang ne présentera pas de listes en Wallonie afin de ne pas faire d’ombre à Chez Nous.

L’exclusivité obtenue par Chez Nous permet surtout d’éviter l’émergence d’une concurrence qui utiliserait ce sigle, le souvenir du FN belge…

Tout à fait. Mais Chez Nous en fait aussi la publicité. Le parti a donc un objectif de visibilité qui dépasse la seule convention et qui justifie des communications à ce sujet sur les réseaux sociaux.

Disposer ou pas du droit à utiliser les lettres “FN” et la flamme tricolore est un enjeu déjà ancien en Belgique.

Si on remonte à l’origine, c’est le Front national fondé par Daniel Féret en 1985 qui utilise le premier cette flamme tricolore, les lettres FN et l’appellation “Front national”. Mais le FN belge va connaître plusieurs scissions. Plusieurs dizaines à travers le temps ! Ces tensions très fortes vont conduire à l’expulsion de Daniel Féret lui-même. Chacun va essayer de récupérer la marque FN. Elle permet à l’extrême droite francophone d’être visible depuis la fin des années 80 et le début des années 90. C’est en 1991 que le FN belge obtient son premier siège de parlementaire. Les tentatives de récupération et les disputes vont finir par mettre mal à l’aise le Front national français qui était en pleine stratégie de dédiabolisation, de normalisation. Le FN français va alors intenter des recours (au début des années 2010) qui déboucheront sur des interdictions d’utilisation du logo et du sigle susceptible d’entretenir une confusion entre les différents partis d’extrême droite en Belgique et le Front national français.

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Les tentatives de récupération et les disputes vont finir par mettre mal à l’aise le Front national français qui était en pleine stratégie de dédiabolisation, de normalisation.« 

L’extrême droite belge francophone semble avoir du mal à se constituer par elle-même. Pourquoi un tel besoin d’appuis extérieurs ?

C’est le cas d’autres formations d’extrême droite en Europe. Je pense notamment au parti Chega (littéralement : ça suffit) au Portugal qui se développe depuis quelques années avec le soutien de Marine Le Pen, notamment. Le Vlaams Blok (ancien nom du Vlaams Belang) s’est développé lui-même dans les années 80 sur le modèle du FN de Jean-Marie Le Pen. Eigen volk eerst (notre peuple d’abord), c’est un slogan inspiré directement du FN français. Il y a toujours eu ce jeu d’influence entre les formations politiques d’extrême droite. Tout l’enjeu, dans le brouillard de l’extrême droite en Belgique francophone ces dernières années, était d’être crédible pour obtenir ces parrainages extérieurs.

Benjamin Biard analyse la scène politique belge pour le CRISP.
Benjamin Biard, politologue au CRISP. ©D.R.