Belgique

« C’est une question de survie »: le CD&V se recentre sur son fonds de commerce et muscle son discours

Lequel des deux a raison ? Comme souvent, la vérité se situe au milieu. Pour la N-VA, il était capital que le gouvernement flamand puisse aujourd’hui poursuivre ses travaux. Mission accomplie. Pour le CD&V, aiguillonné par le puissant syndicat agricole Boerenbond, la priorité était de montrer sa détermination à défendre les intérêts des agriculteurs, un de ses ultimes bastions électoraux dans les campagnes. Opération réussie.

Sammy Mahdi: « Les francophones vont devenir les fossoyeurs de la Belgique »

Dans ce dossier, le CD&V a défendu son point de vue avec l’énergie du désespoir. Les sociaux-chrétiens flamands ont perdu beaucoup de ses plumes depuis vingt ans. Aux dernières élections, ils n’avaient obtenu que 15 % des voix. Et à en croire les récents sondages, il est passé sous la barre des 10 % aujourd’hui. “Le CD&V n’a plus le choix, il doit se recentrer sur son fonds de commerce, souligne Peter Van Aelst, professeur en sciences politiques à l’université d’Anvers. Et c’est ce qu’il fait. Il se montre sur des thématiques telles que la famille, les aînés, les fermiers, les collectivités locales. Ce sont ses points forts, des atouts qu’il compte bien valoriser lors des élections de 2024.”

Le CD&V campe sur ses positions

Le CD&V, comme ce fut le cas jadis, n’est plus près à se sacrifier pour le bien commun. Pour Sammy Mahdi, ce qui compte avant tout, c’est le projet du parti. Le nouveau président durcit dès lors le ton, muscle son discours pour obtenir gain de cause. Dans son livre “Van hol naar vol”, Sammy Mahdi avait donné le ton. “Engageons-nous ! Il est encore temps. Fini de jouer les intermédiaires.” Avec Sammy Mahdi à la barre, le parti n’hésite pas à lever le poing quand il faut où il faut et quand il faut. Une tactique que certains ont parfois plus de mal à appliquer. Hilde Crevits, vice-première ministre dans le gouvernement flamand, penche par exemple plutôt pour la cohésion de la majorité flamande. Mais Sammy Madhi tient la ligne dure.

Sammy Mahdi : « Le CD&V est dans un état extrêmement ambitieux »

Pour beaucoup, observe le politologue Steven Van Hecke (KU Leuven) dans Knack, le CD&V restera le parti flamand qui s’est battu pour l’indexation partielle des allocations familiales lors des discussions, en septembre dernier. Même s’il a fait une courbe rentrante au dernier moment, le sujet restera dans les esprits. Avec l’accord azote, le CD&V passe désormais pour le parti qui défend les intérêts des agriculteurs coupant l’herbe sous les pieds du Vlaams Belang qui, plus que jamais, recrute des électeurs potentiels dans les régions rurales.

Comme la banquise qui fond

Mais pour beaucoup, le CD&V traîne encore toujours une image de parti chèvre-choutiste. “Il y a près de vingt ans, le politologue Kris Deschouwer (VUB) comparait le CD&V à la banquise qui fond lentement mais sûrement à l’image de son électorat fondant comme neige au soleil, observe Peter Van Aelst. Pendant des années, l’inaction caractérisait le parti qui se reposait confortablement sur ses certitudes. Oui, ce changement prendra du temps. Mais ne rien faire était impensable, il y va de sa survie.”

Cela fait dix mois que Sammy Mahdi conduit l’attelage CD&V. Est-ce le début du rebond pour les chrétiens-démocrates ? “Certains pensaient qu’il suffisait de nommer un bon communicateur, un peu comme Conner Rousseau chez Vooruit, pour gagner des voix. Mais cela ne peut pas suffire au CD&V qui, comme beaucoup de partis centristes en Europe depuis des décennies, est enlisé dans une crise structurelle très profonde”, constate Vincent Scheltiens, historien à l’Université d’Anvers. Ces partis ont perdu non seulement des électeurs mais aussi des membres. Ce front a ouvert une brèche dans laquelle l’extrême-droite s’est empressée de s’engouffrer.”

Avortement : la pression va monter sur le CD&V

La ligne dure de Sammy Mahdi est-elle pour autant appréciée au sein du CD&V ? Selon certains, son intransigeance ne devrait pas affaiblir le parti. “Au contraire, je perçois aujourd’hui une plus grande sympathie du public à l’égard du CD&V qui défend les intérêts de ses membres”, constate l’éditorialiste Rik Van Cauwelaert. Selon lui, Sammy Mahdi a réussi à garder la tête froide pendant la crise de l’azote.

Sur le terrain, dans les campagnes, des élus CD&V ne cachent cependant pas leur insatisfaction. Plusieurs bourgmestres, notamment Walter De Donder, le bourgmestre d’Affligem et Dirk de fauw, le bourgmestre de Bruges, se montrent sceptiques. Francis Benoit, le bourgmestre de Kuurne en Flandre-Occidentale avait réagi sur Twitter pendant la crise de l’azote, désabusé : “Le CD&V sort les crocs et se brise la mâchoire. Trop de partis revendiquent actuellement la première place au centre de l’échiquier politique”.